Hauts‐de‐France : la Région renonce à la transparence sur le cumul de ses élus

Le conseil régional présidé par Xavier Bertrand s'était distingué en 2020 en présentant un tableau complet des mandats locaux ou nationaux exercés par ses membres, révélant que vingt-sept d'entre eux gagnaient plus que leur président. Cette audace n'aura pas survécu à l'édition 2021 d'un bilan qui, malgré ses lacunes, comporte des enseignements intéressants.

Pleniere conseil regional Hauts-de-France juillet 2021
Séance plénière du conseil résgional des Hauts-de-France du 2 juillet 2021. Capture d'écran tv.hautsdefrance.fr/

La transparence n’aura vraiment duré qu’un an… Conformément à une loi récente du 27 décembre 2019, le conseil régional des Hauts‐de‐France a publié fin 2021 le détail des indemnités versées aux élus du conseil régional. Mais ce bilan s’avère beaucoup moins complet que celui diffusé l’année dernière. A l’époque, Mediacités avait découvert que 27 conseillers régionaux gagnaient plus que le président, Xavier Bertrand. Un palmarès surprenant qui ne faisait que révéler la pratique répandue du cumul des mandats chez les élus régionaux.

Hauts‐de‐France : ces conseillers régionaux qui gagnent plus que Xavier Bertrand

A en croire le document élaboré l’année dernière, les choses semblent être rentrées dans l’ordre : le président du conseil régional figure en effet en tête du classement, avec un montant total de 64 291,80 euros d’indemnités, soit 5 357,65 euros par mois. Mais cet « état annuel présentant les indemnités de toutes natures dont bénéficient les élus siégeant au conseil régional » se limite désormais à donner le minimum légal d’informations. A savoir uniquement celles qui concernent les mandats et fonctions liés au conseil régional.


Oubliées les indemnités perçues en tant que conseiller départemental ou municipal, maire, président d’intercommunalité, etc. qui figuraient dans le précédent bilan. Ne restent plus que les indemnités de conseiller régional et celles versées par quelques syndicats liés à la région. Interrogée par Mediacités, la Région explique s’être conformée au texte de la loi et aux recommandations du ministère de l’intérieur pour la présentation 2021, après avoir eu une « interprétation large » pour l’année précédente.

RAPPORT_INDEMNITES DES ELUS‑1

Un « retour en arrière »

« Ça fait deux ans que cette obligation est entrée en vigueur et on aurait pu attendre des élus un peu plus de précisions », s’agace Aurore Granero, chercheuse en droit public et administratrice de l’Observatoire de l’éthique publique. C’est un retour en arrière. » Elle regrette par ailleurs de ne pas avoir davantage d’informations sur ces indemnités et notamment de ne pas savoir si elles ont été modulées en raison d’absences.

Selon elle, les déclarations qui se contentent de lister les mandats d’une seule assemblée s’éloignent de l’esprit de la loi. « Un des objectifs du législateur était de voir si le plafond du cumul des mandats est atteint », affirme‐t‐elle. Or il n’est plus possible de le savoir à partir du seul état publié par le conseil régional.

Pour identifier les cumulards, il faut lire le tableau à l’envers et aller chercher tout en bas du classement les élus ne percevant pas les indemnités normales d’un conseiller régional. En cas de cumul de mandats, la loi prévoit en effet de plafonner le montant qu’un élu peut toucher à environ 8 400 euros brut par mois (soit autour de 100 000 euros par an). Cet « écrêtement » – c’est le terme consacré – s’applique aux indemnités du dernier mandat obtenu. Un montant nul ou réduit traduit donc vraisemblablement un plafonnement.

C’est notamment le cas de Karima Delli et Natacha Bouchart à qui la région ne verse rien depuis le mois de juillet. La première est députée européenne, ce qui lui vaut une rémunération brute de 8 900 euros avant impôts. La seconde compte de nombreux mandats locaux : en plus d’être vice‐présidente du conseil régional, elle est maire LR de Calais (7 464 euros brut par mois !), présidente de la communauté d’agglomération et participe à trois syndicats mixtes. De quoi lui permettre d’atteindre les 100 000 euros annuels d’indemnités. A noter qu’elle a touché 21 726 euros au premier semestre au titre de son précédent mandat. 

A la recherche des cumulards

Le conseil régional des Hauts‐de‐France fait également des économies avec l’élue LR Frédérique Macarez, arrivée à l’assemblée à la faveur des dernières élections. La Région ne lui a versé que 1 136 euros brut sur le deuxième semestre de l’année dernière, soit 180 euros brut par mois. Un montant modeste qui suffit à l’amener au seuil fatidique des 8 400 euros mensuel.

Il faut dire qu’elle est également maire de Saint‐Quentin et présidente de la communauté d’agglomération du Saint‐Quentinois, deux postes où elle a pris la suite de Xavier Bertrand. Pour l’année 2020, les deux entités déclaraient 110 000 euros brut cumulés pour l’élue, selon l’état des indemnités des collectivités que nous avons pu consulter.

La situation est identique pour l’UDI Pascal Demarthe qui n’a touché que 4 162 euros du conseil régional en 2021 (soit 700 euros brut par mois). Une somme plafonnée car il est également maire d’Abbeville depuis juillet 2020 et président de la communauté d’agglomération de la Baie de Somme. Deux mandats qui lui permettaient d’approcher le plafond avant son entrée à la Région.

Même constat pour Bernard Gérard, maire de Marcq‐en‐Barœul, vice‐président de la Métropole européenne de Lille, qui a touché 6 425 euros brut d’indemnités du conseil régional en 2021. Selon sa déclaration d’intérêts publiée par la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), ces mandats représentaient 47 000 euros annuels brut en 2020, auxquels s’ajoutent notamment la vice‐présidence du SIGAL, le syndicat de gestion de l’aérodrome de loisir.

Amorce de transparence sur les frais des élus

En recul sur l’information concernant le cumul des mandats, le bilan 2021 des indemnités des élus du conseil régional des Hauts‐de‐France innove toutefois par rapport à l’année précédente en publiant les remboursements de frais des élus. Mais l’unique colonne du tableau qui les recense manque de précision, déplore Aurore Granero. Elle aurait aimé le détail selon le type de frais : déplacements, frais de garde, achat de matériel ou autre.…

En tête de ce classement figure Christian Vannobel (UDI), avec 8 700 euros de frais, suivie par Michel Guinot (FN). Tous deux sont élus de l’Aisne, peut‐être une explication. La Région nous indique en effet que « le territoire est vaste, quelques élus ont des dépenses plus importantes (transport et frais de séjour) selon l’éloignement de leur lieu d’habitation ». Elle ajoute que plus généralement, « certains élus n’en font pas la demande [de remboursement de frais], certains les présentent au mois le mois et d’autres pour une année complète ou plus ». Pour en savoir plus, Mediacités a demandé les justificatifs pour les quatre élus ayant le plus de frais remboursés. La transparence est un long chemin…

Edit du 19/12/2022, 19h45 : Cet article a été modifié à la suite des précisions apportées par le conseil régional et l’envoi d’une nouvelle version corrigée de l’état des indemnités. Edit du 20/12/2021 : Une formulation pouvant laisser entendre à tort que la Région avait tardé à répondre à nos questions à été supprimée.

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Par Pierre Edmond