À quels candidats profitera la gentrification des centres‐villes ?

[LES ENTRETIENS DE L’ÉTÉ] Spécialiste de sociologie électorale, Eric Agrikoliansky s’intéresse au vote des classes moyennes et supérieures, communément appelés « bobos »… avec tous les pièges que ce terme recèle. Vont-ils continuer à favoriser la gauche socialiste et écologiste lors des municipales 2020, ou se laisseront-ils séduire par LREM et le centre-droit ?

Electeur
Photo d'illustration. Crédit : Photo PQR/L'Est Républicain/MAXPPP

Ces vingt dernières années, la gentrification a eu d’évidentes conséquences sociales, mais aussi politiques dans les grandes villes françaises. Symboles de cet embourgeoisement récent des centres urbains, les « bobos » pourraient bien détenir, à nouveau, les clés des élections municipales à venir. Pour mesurer leur influence – réelle ou fantasmée –, nous avons sollicité l’éclairage d’Eric Agrikoliansky, professeur de Science politique à Paris Dauphine, spécialiste de la sociologie électorale de la capitale française, laboratoire s’il en est de ces lourdes transformations qui touchent désormais la plupart des métropoles. Il a notamment comparé le vote traditionnellement « Bourgeois » des électeurs du 16e arrondissement de Paris et le vote nouvellement « Bohème » des habitants du 10e arrondissement, avant de se pencher sur l’éventualité d’un renouveau des clivages socio‐politiques à l’occasion de la dernière présidentielle.

Depuis les municipales 2008, vous étudiez le comportement électoral des catégories sociales moyennes et supérieures habitant les grandes villes, qui sont rentrées dans le langage courant sous l’appellation de « bobos. » Votent‐ils tous de façon homogène ?

Eric Agrikoliansky : Non. La catégorie bobos n’est pas scientifiquement solide : elle est beaucoup trop floue pour servir à l’analyse. Grosso modo, les bobos sont censés être des gens sociologiquement de droite, attachés au libéralisme en matière économique, et qui auraient, sur un certain nombre de valeurs sociales, des préférences politiques qui les orienteraient vers un vote à gauche : la question des moeurs, les valeurs dites universalistes, l’aménagement urbain, etc.

Sauf que, dans la réalité, on retrouve dans cette catégorie hétérogène à la fois quelques salariés du privé, cadres ou professions libérales, mais aussi des fonctionnaires – notamment des enseignants -, et des professionnels des arts et du spectacle ou de l’information… Autant de gens différents avec des statuts et des niveaux de richesse très variés. Entre l’artiste intermittent et le cadre qui travaille dans une banque, il y a des différences sociologiques énormes et des différences de comportement politique tout aussi importantes. On y observe des césures entre les salariés du privé et ceux du public – ces derniers votant plus facilement à gauche -, entre ceux qui ont des forts niveaux de diplômes et ceux qui n’en ont pas, entre ceux qui travaillent dans le domaine de la gestion et de la finance et ceux qui travaillent dans le domaine de la culture, de l’enseignement ou de l’information, etc.

Beaucoup associent pourtant l’augmentation des bobos dans le centre de Paris avec la bascule de la municipalité à gauche, en 2001…

Ce n’est pas parce que je critique cette catégorisation que je dénie le fait qu’un processus de gentrification a affecté les quartiers du centre de Paris. Tout comme il est vrai que ces transformations sociologiques – notamment liées à l’explosion des prix au mètre carré, qui ont atteint des niveaux interdisant aux classes populaires ainsi qu’aux petites classes moyennes d’y résider – ont eu des …

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Propos recueillis par Yves Adaken et Hugo Soutra