Procès‐bâillons : le promoteur lyonnais Alila condamné pour son acharnement contre Mediacités

2023-11-Alila-jugement

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Par Nicolas Barriquand

La justice a relaxé notre journal dans les deux procès en diffamation intentés par le groupe d’Hervé Legros et a condamné celui-ci pour procédure abusive. Dans le même temps, d’autres médias ont multiplié les révélations sur l’envers du promoteur immobilier.

Une double victoire pour Mediacités et une bouffée d’air pour la liberté de la presse face aux procès‐bâillons. Le 21 novembre dernier, le tribunal judiciaire de Lyon a relaxé notre journal face au promoteur Alila, l’un des leaders de la construction de logements sociaux en France. Mieux, il a considéré que les poursuites intentées contre notre rédaction étaient abusives et a condamné le groupe du PDG Hervé Legros à 5 000 euros de dommages et intérêts et 5 000 euros de remboursement de frais de justice.

Rapide rappel des faits : Alila nous avait attaqué à deux reprises pour diffamation, à la suite de la publication de trois articles, et nous réclamait 60 000 euros de dommages et intérêts et 30 000 euros pour le remboursement de ses frais de justice.

Les deux premiers articles poursuivis faisaient état de factures impayées auprès de plusieurs sous‐traitants du promoteur Alila. Le troisième article documentait l’ambiance interne au groupe, sur la base de nombreux témoignages d’anciens salariés, alors qu’Hervé Legros fait actuellement l’objet d’une information judiciaire pour harcèlement moral et abus de biens sociaux.

« Un véritable signal adressé à Alila et Hervé Legros »

Après avoir fusionné les deux procédures à l’encontre de Mediacités, le tribunal a estimé que les propos poursuivis, qui correspondaient notamment à des citations d’interlocuteurs, contenaient des allégations diffamatoires. Mais il a reconnu le sérieux des enquêtes de nos journalistes Hugo Coignard et Mathieu Périsse ainsi que le motif légitime d’information de nos lecteurs. Il a donc relaxé Mediacités au bénéfice de la bonne foi.

Mediacités versus Alila : le procès du secret des sources

Ce n’est pas tout. Le tribunal a été plus loin, en condamnant solidairement Alila et son PDG Hervé Legros à 5 000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive, au titre de l’article 472 du code de procédure pénale, et à 5 000 euros pour le remboursement de nos frais de justice. « La reconnaissance par les tribunaux de l’abus de procédure en matière de presse n’est pas fréquente. Il s’agit ici d’un véritable signal que la 6e chambre correctionnelle du tribunal de Lyon adresse à Alila et Hervé Legros », souligne Vincent Fillola, avocat de Mediacités.

En guise de contre‐signal, le promoteur immobilier s’entête dans son acharnement contre Mediacités : Alila a aussitôt interjeté appel du jugement du 21 novembre… après avoir entamé, quelques jours plus tôt, une nouvelle et troisième procédure contre notre journal.

Troisième citation directe

Le 30 octobre dernier, le groupe d’Hervé Legros a en effet adressé à Mediacités une nouvelle citation directe (la troisième, donc) pour diffamation suite à la publication d’un article, le 26 septembre 2023, dans lequel nous reprenions simplement et brièvement une information du journal en ligne L’Informé. Nos confrères faisaient état d’un redressement fiscal substantiel imposé par Bercy à Hervé Legros.

Alila : la justice confirme un redressement fiscal salé pour le PDG Hervé Legros

Cet acharnement judiciaire nous conforte dans notre conviction que les attaques d’Alila sont des procédures bâillons dont le but premier est de nous épuiser moralement et financièrement et de nous faire taire. Mais aussi de décourager le reste de la presse d’enquêter sur le fonctionnement de l’entreprise et sur ses déboires ? Si tel est cas, c’est loupé. Ces dernières semaines, d’autres titres sont allés, à leur tour, ausculter les coulisses du promoteur lyonnais.

L’Informé, Le Moniteur, Ouest‐France

Nos confrères de L’Informé, encore eux, dans un article intitulé « Alila : l’empire d’Hervé Legros en pleine déconfiture » ont ainsi révélé, le 18 octobre dernier, que le promoteur avait fait l’objet d’une note sévère de la part d’une société spécialisée dans la gestion du risque client et fournisseur. Concrètement, cet analyste déconseille aux professionnels du bâtiment d’entamer ou d’entretenir des relations commerciales avec Alila.

La semaine dernière, Le Moniteur, journal des professionnels du BTP, a publié pas moins de quatre enquêtes sur le groupe d’Hervé Legros. Dans deux d’entre elles, nos confrères mettent en cause le chiffre d’affaires ou le volume de logements construits affichés par le promoteur. Dans une autre, ils démontrent qu’une partie des implantations d’Alila sur le territoire français sont des « agences fantômes », parfois une simple boîte aux lettres. Leur dernier article raconte enfin comment, en Bretagne et dans les Pays de la Loire, des entreprises prestataires ou fournisseurs d’Alila victimes d’impayés se regroupent en vue d’une action collective contre le promoteur.

La semaine dernière toujours, Ouest‐France consacrait un reportage à une résidence du Mans composée de 18 maisons individuelles construites par Alila qui, selon le quotidien, « présentent de multiples fissures et malfaçons ». Cette résidence a fait l’objet d’une inspection de la Direction départementale des territoires (DTT).  

La multiplication des révélations sur le groupe Alila confirme que nous avions visé juste en nous intéressant de plus près à ce promoteur, encensé pendant des années pour sa réussite fulgurante. Hélas, notre flair nous vaut aussi de faire face à l’artillerie lourde du groupe sur le front judiciaire. Un combat encore loin d’être terminé.

Si vous souhaitez nous aider

Dans la bataille qui nous oppose au promoteur Alila, Mediacités tient à remercier toutes les lectrices et tous les lecteurs qui nous ont exprimé leur soutien. Vous pouvez toujours nous aider à résister aux procédures‐bâillons en réalisant un don défiscalisé à Mediacités.

Droit de réponse de la société Alila – 1er février 2024

Dans un courrier daté du 25 janvier dernier, la société Alila nous a adressé le droit de réponse ci‐dessous : 

« Votre article qualifie injustement, à quatre reprises, de « procéduresbâillons » ou de « procès‐bâillons » les poursuites judiciaires intentées par la société Alila en réaction à de précédentes publications de Mediacités.

« Loin de tout acharnement, ou d’une quelconque volonté d’épuiser ou de décourager la presse d’enquêter sur quoi que ce soit, la société Alila, qui s’est estimée diffamée par ces articles, a souhaité, comme tout justiciable, faire valoir ses droits et obtenir la réparation de ses préjudices.

« Le Tribunal a du reste considéré, ainsi que le relève votre article, que les propos poursuivis contenaient bel et bien des allégations diffamatoires.

« Le fait que la Justice ait donné raison à Mediacités en première instance, au simple bénéfice de la bonne foi, pour celles des procédures qui ont déjà été jugées et qui font désormais l’objet d’un appel, ne justifie pas de classer la société Alila au rang des pourfendeurs de la liberté de la presse. 

« Alila continuera, en revanche, à faire respecter ses droits si de nouveaux articles attentatoires à sa réputation devaient être publiés.

« Vous évoquez, par ailleurs, un certain nombre d’articles publiés par d’autres médias. Des droits de réponse circonstanciés leur ont été adressés, conformément à la loi, afin de faire valoir le point de vue de la société Alila. 

« Enfin Alila comme son dirigeant Hervé Legros doivent, comme tout justiciable, bénéficier de la présomption d’innocence dans le cadre des procédures que vous évoquez en ouverture de votre article et au sujet desquelles ils réservent leurs explications à l’autorité judiciaire. »

N’en déplaise à la société Alila, la rédaction de Mediacités maintient l’emploi des expressions « procédures‐bâillons » ou de « procès‐bâillons », et déplore la menace à peine voilée de nouvelles poursuites judiciaires que contient ce droit de réponse.

  • « Cet acharnement judiciaire nous conforte dans notre conviction que les attaques d’Alila sont des procédures bâillons dont le but premier est de nous épuiser moralement et financièrement et de nous faire taire. Mais aussi de décourager le reste de la presse d’enquêter sur le fonctionnement de l’entreprise et sur ses déboires ? Si tel est cas, c’est loupé. » (extrait) 🙂