Tribune – Municipales et métropolitaines 2026 : « Séparons clairement » les deux scrutins

Président de l’association Nouvelles rives, un think tank dédié aux « grands enjeux des politiques publiques métropolitaines », Emmanuel  Buisson-Fenet plaide dans Mediacités pour une réforme des scrutins lyonnais municipaux et métropolitains, alors que le gouvernement réfléchit à modifier la loi PLM (pour « Paris, Lyon, Marseille ») qui régit les règles électorales spécifiques à ces trois villes.

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Dans un bureau de vote. Image d'illustration CC 2.0 par Rama.

Difficile de faire plus rébarbatif à première vue qu’un débat sur les modes de scrutins ! Même les plus civiques des citoyens sont tentés de fuir un sujet aussi complexe. L’annonce d’une possible réforme du scrutin spécifique aux élections municipales de Paris, Lyon et Marseille – les seules villes à connaître un scrutin par arrondissement – ne déchaîne donc pas les foules… Pourtant, dans l’agglomération lyonnaise, ce débat a encore plus d’importance que dans les deux autres villes pour au moins deux raisons.

D’abord, parce qu’on élit à Lyon non seulement des élus d’arrondissement et des élus municipaux le même jour, mais aussi des élus métropolitains avec un scrutin spécifique par circonscription, obscur et complexe, qui ne permet absolument pas aux citoyens de percevoir la différence entre les enjeux politiques propres à l’échelle municipale et à l’échelle métropolitaine.

Ensuite, parce que l’actuelle concomitance des élections municipales et métropolitaines ne permet pas d’imaginer qu’à Lyon, on puisse séparer le vote pour le maire et le vote pour les arrondissements comme cela est débattu à Paris et à Marseille : deux votes le même jour, c’est compliqué, trois c’est impossible !

Respect de la règle majoritaire

Nouvelles Rives est un laboratoire d’idées qui ambitionne d’alimenter le débat sur les enjeux métropolitains, et plus particulièrement sur l’avenir de la Métropole de Lyon. Il était donc normal que nous nous prononcions sur une possible réforme du système électoral.

Deux principes guident notre réflexion : le respect de la règle majoritaire – c’est le candidat qui rassemble le plus de bulletins qui gagne – et la lisibilité du scrutin, pour qu’un véritable débat démocratique puisse avoir lieu au niveau municipal comme au niveau métropolitain en distinguant plus clairement les enjeux.

L’application du premier principe conduit à abandonner le système actuel de scrutin par arrondissement pour élire les conseillers municipaux, ainsi que le scrutin de circonscription pour élire les conseillers métropolitains. C’est ce système qui permet, depuis 1982, à une minorité de votants de désigner une majorité de sièges, ce qui est, à proprement parler, un scandale démocratique. Il suffit de l’emporter de peu dans un plus grand nombre d’arrondissements ou de circonscriptions que son adversaire, sans avoir l’obligation d’emporter la majorité des suffrages.

Pour la Chambre régionale des comptes, le Grand Lyon reste une métropole inachevée

« Maintenir les élections municipales en mars 2026 mais décaler les élections métropolitaines »

Nous proposons par ailleurs de séparer clairement le temps du débat municipal et le temps du débat métropolitain. Nous préconisons de maintenir les élections municipales en mars 2026 mais de décaler les élections métropolitaines, comme la Constitution le permet, au début du mois de juin.

En outre, afin de faire vivre le débat démocratique au sein du conseil de la Métropole, nous pensons légitime de ramener la prime majoritaire attribuée à la liste arrivant en tête à 25 % plutôt que 50 % actuellement, pour ne pas donner une écrasante majorité à une seule sensibilité politique. Cette règle fonctionne déjà sans poser problème pour élire les conseils régionaux.

Enfin, les citoyens européens qui votent aux élections municipales devraient aussi pouvoir le faire pour ces nouvelles élections métropolitaines à deux tours, ce qui n’est malheureusement pas le cas aujourd’hui.

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Le conseil métropolitain du Grand Lyon, le 29 janvier 2024. Photo : N.Barriquand/Mediacités.

Un scrutin pour la ville, un pour les arrondissements

Concernant les scrutins municipaux des villes avec arrondissements, la même logique devrait conduire la réforme du mode de scrutin à Paris, Marseille et donc Lyon. Nous proposons deux scrutins séparés, un pour la ville et un pour les arrondissements, plutôt que le système actuel. Pour désigner les conseillers municipaux et donc le maire, nous souhaitons une circonscription unique, plus transparente et plus lisible : la liste arrivée en tête au deuxième tour bénéficie d’une prime de 25 %, et peut désigner le maire.

Dans un scrutin séparé, on élit les conseillers d’arrondissement avec une prime majoritaire elle aussi ramenée à 25%. Il serait possible d’être candidat et finalement élu sur une liste aux élections municipales et sur une liste aux élections d’arrondissement.

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L’hôtel de ville de Lyon. Photo : N.Barriquand/Mediacités.

Pour qu’une réforme d’un mode de scrutin soit juste, il faut que le citoyen électeur puisse saisir facilement la manière dont seront désignés ses représentants, et puisse à la fois mieux comprendre ce qui relève du débat public sur son arrondissement, sa ville ou sa métropole. C’est la raison pour laquelle nous préconisons ces ajustements qui reprennent des formes de consultation dont les Français sont coutumiers, et qui sont bien plus démocratiques que le système actuel.

A propos de l’auteur

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Emmanuel Buisson‐Fenet. Photo : DR.

Emmanuel  Buisson‐Fenet préside Nouvelles Rives. Cette association, qui se définit « d’orientation progressiste, démocratique, sociale, écologiste et inclusive », organise des débats ou rencontres publiques sur des questions de politiques publiques (urbanisme, démocratie, mixité scolaire…). Elle a « pour objet de porter une voix de réflexion approfondie au débat public sur l’avenir et les grands enjeux des politiques publiques métropolitaines, et plus particulièrement sur la Métropole de Lyon », selon sa propre présentation.

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Par Emmanuel Buisson-Fenet, président de Nouvelles Rives