Ces chasseurs sachant chasser les subventions de Laurent Wauquiez

La région Auvergne-Rhône-Alpes a accordé 378 000 euros de subventions aux chasseurs pour que ceux-ci puissent, officiellement, « améliorer » leurs locaux. Problème : certains bénéficiaires disposent de bâtiments flambant neufs déjà tout équipés.

Laurent Wauquiez public meeting in Arcachon
Laurent Wauquiez a drastiquement réduit les subventions régionales aux associations environnementales préférant confier la protection de la biodiversité aux chasseurs. Photo : Sipa.

Cors de chasse, tapes dans le dos et sourires complices : le 21 et 22 mars dernier, Laurent Wauquiez ouvre l’hôtel de région à la fédération nationale de la chasse (FNC). Présidée par le bouillonnant Willy Schraen, l’organisation tient pour la première fois son congrès dans les locaux de l’assemblée d’Auvergne-Rhône-Alpes. Et pour l’occasion, le président de la collectivité met les petits plats dans les grands : une semaine après le raout, il fait voter l’octroi de 377 891 euros de subventions aux chasseurs de sa région. Ou plutôt aux 179 associations communales de chasse agréées.

Chacune d’entre elles touchera entre 2500 et 13 000 euros pour « l’amélioration des locaux ». Un terme plutôt vague qui intrigue Fabienne Grébert, élue du Rassemblement citoyens écologistes solidaires (RCES). « Lors de la présentation du plan en commission environnement [le 22 mars], nous avons demandé à Philippe Meunier [vice‐président chargé de la chasse] en quoi consistaient ces « améliorations », raconte‐t‐elle. Il nous a répondu que ce n’était pas à lui de vérifier les dossiers. » Contacté par Mediacités, Philippe Meunier n’a pas répondu à nos sollicitations.

Éviscération et écorchage

L’opposante vérifie donc par elle‐même et découvre quelques bizarreries. Selon son décompte, plus d’une dizaine d’associations de chasse ont reçu de l’argent pour rénover des locaux flambants neufs… ou carrément inexistants ! Exemples : 2500 euros pour l’association de Beaufort‐sur‐Doron (Savoie) afin de rénover un chalet inauguré en août 2017. Quant à l’association de chasse de Brioude (Haute‐Loire), elle a inauguré son local en 2014, avec salle d’éviscération et d’écorchage. « Fini les écorchages hors norme ! » se réjouissait un chasseur dans le journal La Montagne (article du 11 décembre 2014).

L’association de Saint‐Jorioz (Haute‐Savoie) a reçu 7662 euros, alors qu’elle a inauguré en mai 2017 « un magnifique bâtiment flambant neuf, aboutissement d’un projet de trois ans porté par les chasseurs », peut‐on lire sur le site de la fédération de chasse de Haute‐Savoie. Quant à l’association de chasse de la Chapelle‐sur‐Coise (Rhône), elle ne dispose pas de local. Ce qui ne l’empêche pas d’avoir quand‐même reçu 2500 euros pour « l’améliorer » !

« Traitement de la venaison »

Y aurait‐il un loup dans « le plan chasse » de la région ? Par « amélioration des locaux », il faut comprendre financement du « traitement de la venaison », rétorque le cabinet de Laurent Wauquiez. Lequel « traitement » consiste essentiellement à installer des frigidaires pour congeler les restes d’animaux tués afin d’avoir recours à l’équarrisseur moins souvent. Problème : certains bâtiments fraîchement inaugurés possédaient déjà un tel matériel… 

C’est le cas de l’association de chasse de Saint‐Jorioz, d’après la description de son nouveau local figurant sur le site internet de la fédération de chasse de Haute‐Savoie : « Cet édifice fonctionnel et moderne permettra à l’ACCA [association de chasse] de répondre à ses besoins de fonctionnement, d’assurer également ses missions d’intérêt général tant en matière sanitaire, de traitement de la venaison, qu’en termes d’accueil du public et de valorisation de la chasse ». Normal, répond‐on à la région, les subventions sont toujours accordées après travaux. Si ce n’est que l’association de Brioude a inauguré son local en 2014, bien avant l’élection de Laurent Wauquiez. Cherchez l’erreur…  

Rebelote l’an prochain

Lors de la dernière commission plénière de la région, les 15 et 16 juin, Philippe Meunier a dressé le bilan du plan chasse. Il s’est félicité des actions en faveur de la biodiversité réalisées par les chasseurs, sans mentionner les fameux frigos. A Fabienne Grébert qui s’en étonnait, le vice‐président a répondu, sans s’attarder, que le « traitement des déchets doit être organisé » et que de l’argent sera mis de nouveau sur la table par la région sur ce sujet pour le prochain plan chasse. Les amateurs de gâchette pourront donc encore compter sur l’argent public pour acheter (ou rembourser) leurs frigos.

Nous avons, dans un premier temps, contacté les fédérations départementales de chasse. Ce sont elles qui sont censées répartir les subventions de la région pour le compte des associations de chasse. Après avoir sollicité – en vain – trois d’entre elles (Savoie, Haute‐Savoie, Isère), la fédération régionale a concédé à nous répondre à la veille de notre bouclage… Ou plutôt à ne pas nous répondre : son président, Gérard Aubret, également à la tête de la fédération départementale de la Loire, ne veut pas s’exprimer sur « cette polémique » sur le plan chasse. 

Plus bavarde, la fédération du Rhône a justifié le versement de la subvention au local inexistant de la Chapelle‐sur‐Coise en arguant que le local en question était dans les cartons (« Une convention a été signée le 23 septembre 2017 entre la commune et l’association de chasse pour la réalisation des travaux dans les cinq ans », selon son directeur Charles Jullian). Pas vraiment raccord avec le cabinet de Laurent Wauquiez, selon lequel les subventions sont toujours accordées après travaux…

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Par Blandine Flipo

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