Député, conseiller régional, maire d’Olonne-sur-Mer puis, à partir de 2019, des Sables‐d’Olonne… Depuis son embauche il y a 25 ans au cabinet du président du conseil général, un certain Philippe de Villiers, Yannick Moreau aura exercé à tous les échelons de la politique vendéenne. D’aucun lui prédisait même un avenir comme patron de la droite locale, à la présidence du département de la Vendée, comme son mentor. Voire un destin politique national.
Pourtant, ce lundi 29 septembre, Yannick Moreau, 50 ans, a officiellement démissionné de ses mandats de maire et président (divers droite) des Sables‐d’Olonne agglomération, pour passer l’écharpe tricolore à son successeur, Nicolas Chénéchaud. Lors de ses vœux, en janvier, le villiériste avait surpris son monde, en annonçant la fin de sa carrière politique. « Les cimetières sont remplis de personnes “irremplaçables” et je me suis toujours juré de ne pas devenir un vieil élu s’accrochant à son fauteuil », expliquait‐il. « L’heure est à la fin de règne », griffait alors l’un de ses opposants politiques, Anthony Bourget (divers droite), qui brocarde une « succession monarchique ».
Promenade « Philippe‐de‐Villiers »
Sous les mandats successifs de Yannick Moreau, la deuxième ville de Vendée, où ce natif de Nantes s’est marié et installé en 2002, a été redessinée aux forceps. Ce qui contraste avec l’anonymat du mandat de son éphémère prédécesseur, Didier Gallot, précédé du long règne – parfois assoupi – de Louis Guédon (RPR puis UMP). Ambitieux, Yannick Moreau a d’abord bouclé, en 2019, la fusion des Sables‑d’Olonne avec le Château‑d’Olonne et Olonne‐sur‐mer, vieux serpent de mer institutionnel qui suscitait de fortes résistances.
Du jour au lendemain, un an avant les élections municipales de 2020, « les Sables » triplent de population pour franchir la barre des 50 000 habitants. La commune nouvelle emploie désormais 850 fonctionnaires et dispose d’un budget de 100 millions d’euros. De quoi concurrencer la Roche‐sur‐Yon, la préfecture vendéenne, au budget analogue. À la tête du nouvel ensemble, Yannick Moreau s’affirme en homme fort de la droite vendéenne après avoir aussi redécoupé la communauté d’agglomération des Sables‐d’Olonne.
Non sans susciter de tensions. « Je dénonce les très longues manœuvres qui ont permis à Yannick Moreau de recomposer une majorité artificielle sans légitimité démocratique », s’émeut alors Joël Mercier, maire (divers droite) démissionnaire du Château‐d’Olonne. « On a apaisé des querelles de clochers inutiles », justifie Yannick Moreau, qui triomphe ensuite au premier tour des municipales de 2020 face à trois listes.
C’est qu’en marin expérimenté, le maire des Sables a toujours su tirer des bords entre les partis. À sa brève adhésion au RPR en 1997, succèdent les années MPF, comme directeur de campagne de Philippe de Villiers ou de Bruno Retailleau, qu’il suit à l’UMP-LR. Il en claque la porte en 2017, après « l’échec » d’un François Fillon « aveuglé » (sans donner sa préférence de vote entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen). Mais sa « fidélité » reste au villiérisme.

Un signe qui ne trompe pas : au printemps, une promenade « Philippe‐de‐Villiers » a même été inaugurée sur le front de mer, en présence de l’intéressé. C’est d’ailleurs en compagnie de ce même Philippe de Villiers qu’a été accueilli en 2022 en terre sablaise Éric Zemmour, alors candidat à la présidentielle. Quant à ce « cher Bruno Retailleau », désormais ministre de l’Intérieur, il est venu en personne cet été inaugurer le nouveau commissariat de la ville, destiné à « préserver la tranquillité et la sécurité des Sablais », l’autre dada de Yannick Moreau. La réconciliation entre Philippe de Villiers et Bruno Retailleau, 15 ans après une violente rupture, a aussi eu lieu aux Sables‐d’Olonne, sur les pontons du Vendée Globe, en novembre 2024.
Yannick Moreau aura aussi été impliqué dans des évènements plus polémiques, mobilisant jusqu’à l’extrême droite. Comme le maintien de la statue Saint‐Michel sur l’espace public ou la projection sur sa commune du film « Silenced », réalisé par l’activiste britannique d’extrême droite Tommy Robinson. Plus récemment, il a été identifié et reçu par Politicae, l’école de formation politique du milliardaire conservateur Pierre‐Édouard Stérin, développant sa vision d’« entrepreneur public » qui œuvre pour le « bien commun, le nom chrétien de l’intérêt général », comme l’ont détaillé nos confrères de Splann!.
« Le carcan » de la HATVP
Le dernier coup politique de Yannick Moreau, fut de verrouiller sa succession, à l’orée des municipales de 2026. Un avant le scrutin, le « simple » conseiller municipal et départemental Nicolas Chénéchaud, Sablais pur beurre et engagé en politique auprès de lui depuis 15 ans, est catapulté premier adjoint de la Ville, vice‐président de l’Agglo et successeur désigné. Pour quoi faire ? Difficile à dire. « J’ai hâte de continuer cette rencontre de tous les jours avec les Sablais », s’est il contenté d’affirmer lors du dernier conseil municipal. Membre d’une lignée d’élus locaux sablais classés à droite, entre UMP et villiérisme, ce cadre pharmaceutique chez Bayer dans le « civil », part néanmoins favori des élections de mars prochain.
Une succession bien ordonnée qui semble tranquilliser Yannick Moreau. « J’ai le sentiment d’avoir fait ma part, mon job, explique‐t‐il. Mes proches le savent bien : j’ai toujours rêvé d’avoir une vie privée après avoir eu une vie publique. » Car si l’élu a mis fin sa carrière politique, c’est pour travailler dans le privé ou le public. Une conversion scrutée de près par la Haute autorité de la transparence de la vie publique (HATVP). Ainsi afin « de prévenir les risques de nature pénale ou déontologique », comme l’a indiqué la HATVP à Mediacités.
Dans l’ombre du Puy du Fou, la puissance des réseaux villiéristes et vendéens
Une surveillance attentive qui n’a pas été du goût du Sablais. « On a fait le compte des entreprises qui ont eu un contrat avec la Ville où l’agglomération des Sables‐d’Olonne lors des trois dernières années, détaille Yannick Moreau. Elles sont plus de 5 000. 5 000 entreprises avec lesquelles la Haute autorité n’accepterait pas que je travaille. » « Un carcan », a‑t‐il même dénoncé sur France 3 Pays de la Loire.
Ces derniers mois, le nom de l’ex-maire des Sables‑d’Olonne a néanmoins circulé pour un poste de direction au Puy du Fou ou à l’Institut catholique de Vendée (Ices) – deux créations de… Philippe de Villiers. Mais Yannick Moreau nie en avoir eu l’envie. Un passage dans l’administration territoriale en Vendée aurait également été une option. « Ça n’aurait été ni possible ni souhaitable vu la place que prend le maire des Sables‑d’Olonne dans le débat public vendéen », coup encore court le principal intéressé.
« Faire toujours plus gros, plus fort »
Finalement, Yannick Moreau, qui présidait aussi les influentes Association nationale des élus du littoral (Anel) et Association vendéenne des élus du littoral (Avel), a déménagé à Quimper. Il y dirige désormais l’agence départementale d’attractivité « Tout commence en Finistère », sous l’autorité du président (divers droite) du Département, Maël De Calan (divers droite) – un proche de Valérie Pécresse et ancien cadre de McKinsey. Un organisme aujourd’hui dans la tourmente [lire encadré ci‐dessous].
S’il a pu surprendre sur la forme, ce routage de l’ex‐maire des côtes vendéennes vers les côtes finistériennes, a sa logique de fond. L’attractivité, l’évènementiel et le développement de « la marque » des Sables‐d’Olonne restent les piliers du bilan politique de Yannick Moreau. Des marqueurs qui lui ont d’ailleurs valu des reproches ciblés de la part des forces d’opposition. « Yannick Moreau a voulu, grâce aux Sables, se faire une carte de visite au niveau national, avec une folie dépensière le conduisant à vouloir toujours acheter, tout rénover, faire plus gros, plus fort. Or les habitants en ont ras‐le‐bol », estime par exemple le conseiller municipal Anthony Bourget, candidat en 2026.
Du sponsoring et une plainte
Si l’océan est immense, le monde est petit. En 2022, Maël Le Calan annonçait le sponsoring de « Finistère 360° », devenu « Tout commence en Finistère », pour l’Imoca du célèbre navigateur finistérien Jean Le Cam, au départ de la dixième édition du Vendée Globe aux Sables‐d’Olonne, en 2024. Un soutien financier épinglé par la Chambre régionale des comptes (CRC) de Bretagne dans un avis salé de 40 pages datant de mars sur les dysfonctionnements de l’agence. « Ce contrat n’a donné lieu à aucune publicité, ni mise en concurrence », écrivent les magistrats.
L’association anticorruption AC!! a déposé plainte contre l’établissement public en avril dernier. « La quasi‐totalité des critiques formulées appartiennent au mandat précédent, et à l’exécutif socialiste [sous les présidences de Pierre Maille puis Nathalie Sarrabezolles, NDLR] qui conduisait les affaires jusqu’en 2021 », a répondu le département du Finistère à nos confrères de Splann !. De son côté, Yannick Moreau renvoie vers ces explications du conseil départemental.
Car si Yannick Moreau transmet à Nicolas Chénéchaud tous les pouvoirs et une situation politique favorable, son successeur devra néanmoins assumer un bilan contesté, notamment sur le plan financier. L’agglomération des Sables‐d’Olonne, qui compte seulement 60 000 habitants, a connu des bouleversements urbains de grande ampleur. Au‐delà des dynamiques des ports de pêche et de plaisance, la localité concentre deux casinos ainsi qu’une gigantesque Arena de 8 600 à 20 000 places (en salle ou à l’extérieur), inaugurée en juin par Yannick Moreau après trois ans de travaux. Coût de cet équipement pharaonique, qui rivalise avec le Zénith de Nantes Métropole dans la région : 59 millions d’euros, financés à 90 % par l’Agglomération et la Ville des Sables‑d’Olonne.
La ville balnéaire accueille également des projets publics pionniers comme la réutilisation des eaux usées ou de la thalassothermie, en plus d’une activité touristique saisonnière toujours soutenue. Même si depuis 2022, la mairie mène une âpre lutte contre les résidences secondaires de type Airbnb, la ville voit quasiment sa population quadrupler durant la belle saison, flirtant avec les 220 000 habitants. Il se développe en outre toute une activité (privée ou publique) vers le nautisme, la fête, avec pour apothéose le très lucratif Vendée Globe tous les quatre ans, dont la Ville est co‐actionnaire. Dans la cité littorale, le taux d’équipement public par habitant est ainsi presque trois fois plus élevé que la moyenne régionale selon l’Insee.
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Comptes publics et inégalités sociales
Les récents projets contrariés en centre‐ville, au cours Guédon ou à l’ancien îlot EDF, incarnent les derniers trébuchements politiques du maire démissionnaire, sur lesquelles appuie l’opposition. « Certes, la fusion des communes a rapporté des finances supplémentaires, mais je ne vois pas comment ça peut tenir, car il a engagé des dépenses partout », commente, perplexe, une figure politique des Sables aujourd’hui retraitée. La Ville a prévu d’investir 283 millions d’euros en tout jusqu’en 2026.
Yannick Moreau rétorque que les finances publiques sont « saines » et brandit, à de multiples reprises, les derniers rapports globalement aussi rassurants qu’un peu datés de la Chambre régionale des comptes des Pays de la Loire. Le maire défend une « capacité de désendettement de la Ville et de l’Agglo de sept ans » – le seuil d’alerte est à dix ans – et des « capacités d’autofinancement supérieures en 2026 à ce qu’elles étaient en 2020, en respect des engagements [pris en début de mandature] ».

Pour Jacques Barreteau, conseiller municipal d’opposition (Renaissance), la situation serait bien moins mirifique : « On n’a pas du tout de vision sur la gestion de tout ce qu’il a mis en place. J’ai un peu peur que les élus eux‐mêmes perdent la main par rapport à ce qu’ils sont en train de créer. » « La majorité a choisi d’investir dans le bitume, le budget est axé sur l’investissement technique », reproche également Caroline Pottier, élue communiste qui regrette le manque d’actions en faveur des logements à loyer modéré, des logements sociaux et des services à la personne.
Le bord de mer sablais attire principalement les retraités aisés, des cadres et des employés. Ce qui masque « une population aux caractéristiques socio‐économiques contrastées. Aux Sables, ce sont d’abord les actifs, et à plus forte raison les plus jeunes [16 % selon l’Insee, NDLR], qui sont les plus touchés par la pauvreté », soulignait en 2023 la Chambre régionale des comptes. Avec aussi « un taux de chômage, quelle que soit la classe d’âge observée, plus important » que celui des Pays de la Loire.
« Nous ne faisons plus de promotion touristique. L’enjeu n’est plus la quantité d’habitants, mais c’est de préserver leur qualité de vie à l’année », a martelé Yannick Moreau tout au long de ses derniers mois de mandat, évoquant un « développement équilibré » de la deuxième ville de Vendée. À lui, désormais, la charge d’orchestrer… la promotion du département du Finistère, 300 kilomètres plus au nord.
La ville des Sables d’Olonne est une des villes qui paie le montant d’amende le plus élevé pour non‐respect de la loi SRU (objectif de 20% de parts de logements sociaux, actuellement seulement 9% de logements sociaux aux Sables d’Olonne) avec une amende d’1 Millions d’euros par an.
Ma grand‐mère, au minimum retraite, à une demande HLM valide depuis 4 ans : 0 proposition de logement.
Pas merci à l’ancien maire des Sables d’Olonne qui transforme une ville de pêcheur en paradis pour riche retraité avec des montants de dépenses astronomiques pour des infrastructures de spectacle plutôt que pour loger sa population.
Je ne parle même pas des jeunes qui ne peuvent plus se loger à 20km à la ronde.