L’annonce est tombée comme une formule‐choc, le 6 novembre dernier, face à la presse. En officialisant sa candidature à un nouveau mandat, Jean‐Luc Moudenc a fait de la sécurité l’axe central de son projet pour Toulouse.
Sa promesse phare : étendre la vidéosurveillance à l’ensemble de la commune. « Je veux que chaque rue soit équipée d’au moins une caméra », a‑t‐il déclaré, le 6 novembre 2025, sans vouloir en dire plus sur ses calculs en matière de budget ou de nombre de rues à équiper, malgré nos sollicitations.
Cette ambition s’inscrit dans la continuité de la politique sécuritaire mise en œuvre depuis son retour au Capitole en 2014. À l’époque, la commune ne comptait que 21 caméras. En onze ans, leur nombre a été multiplié par plus de trente. La mairie de Toulouse indique à Mediacités que 710 appareils sont en service à la date du 12 décembre 2025. C’est 28 de plus que ce qu’elle indiquait à Actu Toulouse en novembre 2025.
Pour autant, la collectivité n’est pas en mesure de préciser l’étendue exacte de la zone couverte par son dispositif de surveillance. « Le nombre de rues sous couverture vidéo‐protégée (sic) n’a pas fait l’objet d’un comptage exhaustif, reconnaît‐elle. Judicieusement implantée, une même caméra peut permettre de couvrir plusieurs axes. Toutefois, il est certain que le nombre réel d’axes couverts par de la vidéoprotection est largement supérieur aux 710 caméras installées. »
Doubler ou quadrupler le réseau de surveillance
La ville compte exactement 3 801 voies, selon les données municipales. Première hypothèse, basée sur les suppositions optimistes de la mairie, les 710 caméras existantes couvrent plusieurs axes. Disons, deux en moyenne par caméra en étant optimiste, ce qui permettrait de couvrir 1 420 voies. Dans ce cas de figure, il resterait 2 381 voies à équiper, soit 1 190 caméras à acquérir. Cela voudrait dire plus que doubler le parc existant.
Dans l’hypothèse plus conservatrice où une caméra couvrirait un seul axe, il resterait encore 3 091 rues à surveiller. Il faudrait donc plus que quadrupler le réseau de caméras.
Voilà pour le nombre. Qu’en est‐il pour le coût ? Un document interne de la collectivité, daté de novembre 2025, permet d’estimer le prix moyen d’une caméra. Entre 2024 et 2025, la mairie a déboursé 1,987 million d’euros pour l’installation de 77 caméras, soit 25 809 euros en moyenne par appareil. Après déduction des subventions de l’État, la dépense réelle pour la ville descend à 17 308 euros par caméra.
En appliquant cette estimation, la facture théorique s’élèverait à 30,7 millions d’euros dans l’hypothèse d’un doublement du nombre de caméras de surveillance. La note exploserait à 79,77 millions d’euros s’il fallait installer plus de 3 000 systèmes d’observation.
Si les aides gouvernementales étaient reconduites au même niveau, malgré les réductions budgétaires actuelles, la facture pèserait entre 20,5 et 53,4 millions d’euros dans les finances communales.
Un budget décuplé pour la sécurité
Une telle opération ferait basculer la politique de vidéosurveillance dans une autre dimension. Sur la période 2022–2025, 7,1 millions d’euros ont été dépensés dans cette perspective, d’après les rapports comptables de la ville. Il faudrait donc multiplier au minimum par trois ce budget pour concrétiser cette promesse (à supposer que les subventions soient maintenues). Et ce, alors que l’efficacité de la vidéo‐surveillance ne fait pas l’objet d’un consensus.
À ces montants s’ajoutent des dépenses aujourd’hui non chiffrées : abonnements internet des caméras, maintenance, renouvellement du matériel et construction d’un centre de traitement des données destiné à « regrouper les 6 000 caméras municipales, de Tisséo et des parkings dans un centre unique », selon les propos du maire rapportés par Actu Toulouse le 6 novembre dernier.
Un contraste budgétaire saisissant
Cette projection financière interroge d’autant plus qu’elle s’inscrit dans un contexte de restriction des dépenses municipales. À titre de comparaison, l’enveloppe consacrée aux treize centres socio‐culturels de Toulouse a été amputée de 64 % en 2025, pour un budget annuel ramené à 136 000 euros.
Au moment où Jean‐Luc Moudenc affiche sa volonté de renforcer massivement la surveillance de l’espace public, l’écart entre les priorités sécuritaires et les politiques sociales apparaît ainsi de plus en plus marqué.
Notre méthode de calcul
Voici comment nous avons estimé le coût de cette promesse.
Hypothèse A :
Si une caméra couvre deux rues en moyenne : les 710 caméras surveillent 1 420 axes. Il reste donc 3 801 – 1420 = 2 381 caméras à installer pour une couverture totale. En supposant qu’une caméra couvre deux voies, il en faudrait 1 190.
1 190 x 25 809 euros = 30,7 millions d’euros au total.
1 190 x 17 308 euros = 20,5 millions d’euros, en déduisant d’éventuelles subventions.
Hypothèse B :
Si une caméra surveille un seul axe, les 710 caméras actuelles surveillent 710 axes. Il reste donc 3 091 à équiper d’autant de caméras.
3 091 x 25 809 euros = 79,77 millions d’euros.
3 091 x 17 308 euros = 53,4 millions d’euros, en déduisant d’éventuelles subventions.
Un partenariat Mediacités – Science Po Toulouse
Dans le cadre d’un partenariat entre Mediacités et l’Institut de sciences politiques Science Po Toulouse, des étudiants en journalisme vont vérifier certaines promesses des candidats et leurs propagandes électorales. S’il a été encadré par notre rédaction, il n’a pas fait l’objet d’une rémunération de ses auteurs de la part de notre journal, raison pour laquelle nous avons décidé de laisser sa lecture en accès‐libre. Ces articles seront accessibles tout au long de la campagne électorale à l’ensemble de nos lecteurs et lectrices, abonnés ou non.
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