Perfluorés : les preuves de la contamination des riverains et salariés d’Arkema et Daikin

Un documentaire de France 3 Auvergne-Rhône-Alpes révèle de nouvelles données alarmantes sur la pollution aux perfluorés dans la vallée de la chimie, sur la base notamment de prélèvements sanguins réalisés auprès d’habitants de Pierre-Bénite.

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L'usine Arkéma de Pierre-Bénite, au sud de Lyon. Photo : N.Barriquand/Mediacités.

On le redoutait très fortement, France 3 Auvergne‐Rhône‐Alpes en apporte la preuve. Après un premier documentaire de l’émission « Vert de rage », sur France 5, qui a dévoilé en mai 2022 l’existence d’une vaste pollution du sud de l’agglomération lyonnaise aux perfluorés, un nouveau film de la télévision publique révèle la contamination à « ces polluants éternels » des salariés et de riverains des usines Arkema et Daikin, à Pierre‐Bénite. 

L’enquête de la journaliste Emilie Rosso « “Polluants éternels” : un poison en héritage », que Mediacités a pu visionner en avant‐première, sera diffusé ce mercredi 7 juin, à 23h05. Il est aussi consultable en ligne à partir d’aujourd’hui.

Sang des agents

On y apprend que, dès 2004, la société Daikin a entrepris une surveillance biologique de son personnel, sur la base du volontariat. D’après des rapports internes que France 3 s’est procurés, en 2008, le sang des agents suivis les plus exposés était en moyenne 1 000 fois plus contaminé aux PFOA (un perfluoré synthétique) que la moyenne de la population française. « Et surtout, 200 fois au‐dessus du seuil d’alerte fixé par l’Allemagne », souligne le documentaire.

Si Daikin arrête de produire des PFOA (qui entrent dans la fabrication de revêtements anti‐adhésifs notamment) en 2008, le sang de ses ouvriers présente encore des taux de contamination 400 fois plus élevés que la moyenne nationale huit ans plus tard. Contacté par France 3, l’industriel a refusé de s’exprimer et s’est retranché derrière le « secret médical » pour ne pas commenter ces chiffres.

Pollutions : les bons et mauvais élèves de la vallée de la chimie

Du côté d’Arkema, la direction du site a également suivi les taux de contamination de ses troupes au PFNA, entre 2003 et 2016. Là aussi à partir de documents internes confidentiels, France 3 révèle que des agents ont vu leur taux d’imprégnation à cet autre « polluant éternel » augmenter de plus de 450 % entre 2005 et 2016, année de l’arrêt de la production du composé. Mais là encore, six ans plus tard – c’est à dire en 2022 -, « les salariés restent 17 fois plus imprégnés que la moyenne des Français ». L’industriel se défend en arguant, en substance, qu’aucun lien n’a été établi entre ces contaminations et d’éventuelles pathologies.

« Plus personne ne peut dire maintenant que la production des industriels n’a pas eu d’impact sur la population »

L’enquête d’Emilie Rosso s’attarde aussi sur l’impact de ces usines de la vallée de la chimie sur les riverains. France 3, avec l’aide de l’association Bien vivre à Pierre‐Bénite, a rassemblé une dizaine d’habitants volontaires pour faire tester leur sang. Les prélèvements ont été analysés par un laboratoire de Liège, en Belgique. Les résultats révèlent que deux molécules (le PFNA et le PFunDa) se trouvent en très grande quantité dans les échantillons. Deux molécules utilisées par Arkema entre 2003 et 2016 dans le processus de fabrication d’un plastique destiné aux batteries de voitures électriques ou aux panneaux photovoltaïques.

« Cette analyse n’a pas de grande prétention scientifique, elle a avant tout pour ambition de jouer le rôle d’une sonnette d’alarme, explique Emilie Rosso à Mediacités. Plus personne ne peut dire maintenant que la production des industriels n’a pas eu d’impact sur la population. Sur 10 riverains testés, elle en a eu sur 10 personnes. Aux pouvoirs publics désormais de prendre leurs responsabilités en menant des études d’imprégnation de la population à une plus grande échelle. »

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A l’entrée du site Arkema de Pierre‐Bénite. Photo : NB/Mediacités.fr

Diagnostic local de santé

Quels risques ces contaminations représentent‐elles pour la santé des salariés ou des riverains ? « L’exposition aux PFAS, c’est comme fumer du tabac. On ne peut pas être sûr qu’on va être malade parce qu’on y a été exposé, mais on va avoir plus de risques de tomber malade », compare le toxicologue Philippe Grandjean dans le documentaire.

Le film rappelle que, selon un diagnostic local de santé mené en 2013 à Pierre‐Bénite, les taux d’hospitalisation explosent pour certaines pathologies : +55 % pour les maladies endocriniennes par rapport à la moyenne régionale ou +100 % pour le diabète. Le taux de mortalité est aussi deux fois plus important pour les cancers du poumon chez les hommes ou 1,25 plus important pour les cancers du sein chez les femmes, même si d’autres facteurs (habitudes alimentaires, etc.) que la proximité d’Arkema ou de Daikin sont à prendre en compte.

Edith Metzger est l’une des 10 participants à l’analyse de sang proposée par France 3. Habitante de Pierre‐Bénite depuis cinquante ans. « J’espère que ce film, avec les éléments tangibles qu’il apporte, fera progresser la prise de conscience collective, confie‐t‐elle à Mediacités. Si on veut que les choses bougent, faire la lumière sur cette affaire et mettre la pression sur les responsables, il faut augmenter la colère de la population. »

Note d’actualisation (7 juin 2023) - Nous avions dans un premier temps écrit à tort qu’Edith Metzger déclarait dans le documentaire envisager de déménager. Il s’agissait d’une autre riveraine présente dans le film. Toutes excuses pour cette méprise aux deux intéressées.


Vallée de la chimie, lire par ailleurs les enquêtes de Mediacités :

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  • les ETM, COV, adjuvants, additifs , PCP, phtalates…des eaux usées de CAMPINE‐C2P , ancien modèle de Métaleurop alimentent des boues de STEP de l’Agglo caladoise qui sont épandues sur les terres maraîchères et céréalières de la vallée de la Saône sur les secteurs de Villefranche …Ajoutez les déchets d’incinération , cendres et mâchefers ? Yabon les légumes bio !!!!!!!du GARET .
    Des milliers de tonnes de ces boues toxiques sont aussi transformées en compost ‑terreaux pour les collectivités et jardiniers , agriculteurs , à Monsols , mélangés à des digestats de méthanisateurs , quelques structurants . De véritables bombes physico‐chimiques commercialisées par une gestion opaque …
    Pourquoi n’en parlez‐vous pas ?

  • Ce scandale est aussi celui du pouvoir de décisions prises par des élus incompétents, ignares , des fonctionnaires assujettis type préfecture, ARS, DREAL , des personnages louches en coulisse, représentants du marigot , du microcosme économico‐politique , d’une presse nourrie par l’Etat et les industriels, de valets, spadassins petits plumitifs (Pierre C. en
    fait partie …)
    * un boulanger à la CLIS de l’incinérateur qui , sur Villefranche , empoisonne des milliers de personnes, c’est autorisé en démocratie française !!
    Le modèle français , corrompu, est criminel .
    Le peuple est floué.

  • Hallo ! Les observateurs avertis de la société beaujolaise , au travers de la presse locale , par ex., assistent de plus en plus à “l’utilisation” des écoliers , donc d’une institution publique, l’école, aux fins plus ou moins dominées par le privé et le pouvoir politique dans les grandes questions de l’environnement telles que l’assainissement , les déchets . Il n’est nullement question dans le discours de l’Agglo caladoise de faire réfléchir sur le fond : production de déchets, mais de manipuler la forme : comment “valoriser”, traduction faire du fric , en conditionnant les déchets dangereux et leur mettant une étiquette « bio » . Un stratagème édulcoré par les services de communication. La plupart , même les élus référents , n’y “voient que du feu”.
    El la DDEN dans tout ça ? Qu’en pense ‑t’elle ?

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Par Nicolas Barriquand