Cinéma : Toulouse augmente le nombre de ses tournages

Longtemps en marge de l’industrie du cinéma, Toulouse accueille de plus en plus de tournages sur son territoire. Mais si Jean-Luc Moudenc tient à mi-mandat l’une de ses promesses de campagne, le nombre de films professionnels reste faible.

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Toulouse développe plusieurs stratégies pour tenter d'attirer davantage de tournages / Photo Bureau des Tournages

Toulouse, un nouvel Hollywood ? Peut‐être pas, mais la Ville rose est de plus en plus sous l’œil des caméras… En décembre 2022, elle a servi de décor à Waltair Veerayya, une grosse production indienne à 20 millions de dollars. Ce tournage est l’un des 265 accueillis en 2021. Par comparaison, il y en avait eu 207 en 2019 et 100 en 2020. Même si ce total inclut seulement 12 tournages professionnels, le reste étant aussi bien des courts‐métrages étudiants que des films amateurs, la promesse de Jean‐Luc Moudenc en 2020 d’augmenter le nombre des tournages à Toulouse est indéniablement atteinte.

Faciliter la vie des réalisateurs

Est‐ce dû à la reprise post‐Covid, qui a permis aux cinéastes de relancer la fabrication de leurs films, ou à une politique volontariste ? Pour le déterminer, il faut revenir en 2006. Cette année‐là, le réalisateur Michel Boujenah décide de filmer une partie de son long‐métrage Trois amis dans la Ville rose. La municipalité y affecte un responsable des tournages, issu de son pôle événementiel. C’est de cet embryon qu’est né, dix ans plus tard, un bureau des tournages, dépendant de l’agence d’attractivité de Toulouse métropole. Loin d’être une spécialité locale, ce type de service existe dans tout l’Hexagone, notamment grâce au réseau Film France, qui gère 41 bureaux d’accueil.

À Toulouse, le service compte aujourd’hui deux agents et dispose d’un budget annuel de 30 000 euros. Son but ? « Développer la fiction, qui est un peu moins bien représentée sur le territoire toulousain », explique Isabel Birbes, chargée de projet. Mais aussi faciliter le travail des réalisateurs. Le bureau leur propose un accompagnement sur mesure, et dispose d’un catalogue de décors recensant 225 lieux. « Notre rôle est de faciliter la vie des équipes de tournage, en leur proposant des endroits pouvant correspondre au scénario et en les insérant dans l’écosystème toulousain”, explique Isabel Birbes, dont le service met également les réalisateurs en relation avec des techniciens. Ainsi, pour le téléfilm Mention particulière, réalisé par Christophe Campos et diffusé en 2017 sur TF1, 59 des 64 techniciens de l’équipe étaient toulousains ou occitans.

Réalisatrice et scénariste toulousaine, Léa Fehner a bénéficié des services du bureau pour son film Sages‐femmes, tourné en 2022. « J’ai été accompagnée pour la recherche d’un établissement hospitalier. Ils ont été facilitateurs pour rencontrer les instances médicales sur place. Ce type de service nous aide beaucoup », reconnaît‐elle.

Une politique d’accompagnement gratuit pour miser sur l’avenir

Contrairement à d’autres villes, la commune de Toulouse offre les services de son bureau aux cinéastes gratuitement, que ce soit pour la recherche de décors, l’aide au logement et à la restauration, la facilitation logistique du régisseur général, etc. Une « politique rare », selon Elsa Joulin, référente Commission du film du site de Toulouse pour Occitanie Films, association dont l’objectif est de promouvoir et favoriser le cinéma dans la région. Cette aide en nature représenterait environ un tiers des dépenses du bureau des tournages. Le reste est alloué à la promotion de ses activités et à la formation des étudiants du secteur audiovisuel. Une manière de les inciter à rester travailler sur le territoire.

Pour soutenir son ambition de devenir une « terre de tournage », la municipalité a mis en place en 2020 un fonds de soutien à la production audiovisuelle. Son budget a été porté à 500 000 euros en 2021. La municipalité est aussi devenue la partenaire officielle du Grand Set, un studio de tournage de grande dimension créé en 2020 par la société de production Master Films. Installé à proximité de l’aéroport de Blagnac, il propose notamment un intérieur d’avion entièrement modulable. Ce décor a ainsi accueilli le premier long‐métrage de Noémie Lefort, Mon Héroïne, sorti en salles en décembre 2022.

Si l’agence d’attractivité de Toulouse Métropole a reconnu le potentiel du Grand Set en en faisant « une tête d’affiche pour la promotion de leur activité » sur les salons professionnels, estime François Cadene, directeur général de Master Films, ce dernier ajoute qu’il faudrait davantage investir pour rester compétitifs, notamment vis‐à‐vis de Montpellier.       

Les investissements de la mairie en matière de cinéma bénéficient‐ils à l’économie de la ville ? D’après les estimations de la collectivité, un euro investi lui rapporterait en moyenne 9,75 euros pour une série, 3,91 euros pour un téléfilm et 3 euros pour un film, grâce à l’argent dépensé sur place par les équipes de tournage (hôtels, restaurants, etc).

Selon le Bureau des Tournages, le téléfilm Mention Particulière, qui a été entièrement tourné à Toulouse, aurait généré environ 1,2 million d’euros de retombées économiques directes pour le territoire, dont 800 000 euros en salaires pour les professionnels locaux du secteur sur une période de deux mois.

Une majorité de films à petits budgets

Si pour l’heure, la promesse d’augmenter le nombre de tournages est bel et bien tenue, il reste cependant à améliorer la qualité des productions accueillies. Sur l’année 2022, seulement cinq longs‐métrages destinés au grand ou au petit écran ont été tournés à Toulouse. “Nous récupérons souvent des projets de films qui ont peu de budget”, regrette Isabel Birbes. Aucune série quotidienne n’est en vue, à l’instar d’Un si grand soleil, le succès montpelliérain.

La municipalité n’est d’ailleurs pas soutenue par le Centre National du Cinéma et de l’image animée (CNC), qui mène actuellement un plan d’investissement appelé France 2030, pour “faire de la France le leader européen des tournages et de la production numérique”. Ce dernier identifie l’Île-de-France, l’arc méditerranéen et le Nord comme “des territoires qui portent des enjeux de développement particulièrement stratégiques”, sans mention de la capitale de l’Occitanie.

Reste donc à voir si, à long terme, Toulouse peut réellement devenir une “terre des tournages”, ou si cette ambition reste une douce fiction. Éléments de réponse dans la suite de cette enquête.

Cet article est issu d’un travail réalisé par une étudiante en journalisme de Sciences Po Toulouse, dans le cadre d’un partenariat mené avec cette école.

 

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Par Célia Pedrosa

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