Élu·es d’Occitanie, laissez béton !

[TRIBUNE] Près d'un millier de citoyens réunis au sein de 23 collectifs et associations demandent l’abandon de grands projets en Occitanie et l'amorçage d'une réflexion de fond sur les mobilités de demain.

tribune Grands Projets

Nous sommes des Occitanes et des Occitans. Notre région, l’Occitanie, vacille comme les autres sous les coups du changement climatique, des pollutions, de la bétonisation, et c’est ce territoire que nous habitons, ses quartiers, ses villages, ses rivières et ses champs, ses bois et ses garrigues. C’est ici que nous tissons nos liens, que nous vivons aujourd’hui et que nous voulons vivre demain.

Nous n’avons pas de plan B – et nous n’en cherchons pas – pour aller reconstruire nos vies ailleurs, à l’abri des bouleversements du monde, si tant est qu’un tel abri existe. Notre enjeu, c’est d’inventer de nouvelles façons d’habiter, de travailler, de se déplacer, de produire ce dont nous avons besoin, pour vivre ici demain, et y vivre même mieux qu’aujourd’hui.

Mais cet espoir nécessaire bute contre un système politique local dont l’ambition n’est pas de construire un avenir vivable et désirable pour les Occitan·es. Devenus expert·es en écoblanchiment, se soutenant les uns les autres, verrouillant toute vision alternative, Carole Delga, à la tête de la Région, et ses amis politiques des Métropoles (le socialiste Michaël Delafosse à Montpellier, le républicain Jean‐Luc Moudenc à Toulouse) et des Conseils départementaux (les socialistes Kléber Mesquida dans l’Hérault et Georges Méric en Haute‐Garonne), organisent de force l’aménagement du territoire selon un modèle destructeur issu de la pensée productiviste des années 1980. Rappelons par exemple les propos de la présidente de Région à propos de l’A69 : « Cette autoroute, elle va se faire ».

Il y a quelques semaines, le Giec soulignait toujours plus l’urgence : il nous reste trois ans pour inverser la tendance, si nous voulons tenter de conserver une planète vivable. Trois ans, c’est très court pour inventer. Mais c’est bien suffisant pour accélérer la catastrophe. Pour ces trois années décisives, voilà ce que les élu·es en place nous ont concocté :

  • L’État veut construire une autoroute Castres‐Toulouse payante pour une fraction de 5 640 véhicules par jour ! Tous les marqueurs vont à l’encontre d’un projet tel que cette autoroute A69 : inutile, imposée, injuste, d’un autre temps. Pourquoi ne pas regarder la vérité en face (Le collectif La Voie est Libre s’y oppose) ?
  • Le conseil départemental de la Haute‐Garonne et Toulouse Métropole veulent construire un réseau routier de contournement à l’ouest de Toulouse (BUCSM et BUO) : 24 km de nouvelles routes, 52 hectares d’espaces naturels et agricoles artificialisés, pour un total de 276 millions d’euros (près de 4 000 personnes ont signé la pétition contre le projet).
  • Toulouse Métropole porte un projet de nouvel échangeur tout voiture à 80 millions d’euros sur la rocade Est de Toulouse, la Jonction Est, au milieu d’une zone verte à fort intérêt écologique, et cela pour desservir une clinique privée au détriment de la qualité de vie des habitants (Un millier de personnes s’y opposent déjà).
  • Toulouse Métropole souhaite construire la Tour Occitanie, projet phare du réaménagement du quartier de la gare de Toulouse‐Matabiau, qui devrait culminer à 150 mètres et héberger des bureaux, un hôtel, des commerces, des restaurants et des appartements haut de gamme. Il s’agit d’un projet antisocial, dont les classes populaires seront exclues. Un prélude à l’embourgeoisement du quartier.
  • Dans l’Aude, un projet immobilier et de golf Lacoste sur 220 hectares de terres agricoles et naturelles avec 120 villas et maisons, 168 appartements, un hôtel de 80 chambres, un héliport… Capacité d’accueil de plus de 1 000 habitants, le tout en zone de montagne dans un village de 450 habitants ! L’augmentation du trafic aérien serait inéluctable.
  • La Région Occitanie et l’État veulent agrandir le port industriel de Port‐la‐Nouvelle pour accueillir des navires plus grands, sans qu’un projet économique ne le justifie, si ce n’est importer toujours plus de pétrole, d’engrais chimiques, de bois d’Amazonie, et exporter des blés que nous ne produisons pas. Le projet fait peser un grave danger sur la biodiversité du complexe lagunaire Bages‐Sigean, et détruit des centaines d’hectares de fonds marins. Ce sont également des milliers de tonnes par kilomètre de cailloux qui sont transportés quotidiennement depuis le Tarn jusqu’à la Méditerranée. Ce projet voit l’abandon d’une gestion publique au profit d’une société d’économie mixte à dominante privée.
  • Entre Puylaurens (Tarn) et Castelnaudary (Aude), un projet d’axe rapide assorti de deux déviations : Blan (Tarn) et Revel (Haute‐Garonne). Soit l’accaparement de quelques centaines d’hectares de terres fertiles, de refuges de biodiversité, des parcelles fracturées, les paysages et le cadre de vie bouleversés.
  •  Un projet de contournement par l’ouest de la ville de Nîmes est récemment ressorti des cartons. Un vieux Contrat de plan État‐Région d’une 2x2 voies de 12 km qui détruira la garrigue du village voisin, Caveirac : 230 millions d’euros pour saccager 140 hectares d’espaces boisés sans résoudre les problèmes d’embouteillages à l’entrée de la ville ! Un « pognon de dingue » pour appauvrir la biodiversité ! Un projet auquel s’oppose l’association Caveirac Vaunage.
  • À Montpellier, le département de l’Hérault entend dépenser près de 100 millions d’euros pour éventrer 80 hectares de garrigues et de terres agricoles pour tracer au nord de la ville de Montpellier un périphérique, la liaison intercantonale d’évitement du nord (LIEN). À l’ouest, l’État et la Métropole promeuvent une nouvelle liaison autoroutière surdimensionnée, le contournement ouest de Montpellier (COM) sur 6 km, au coût d’au moins 275 millions d’euros, avec jusqu’à 10 voies en parallèle, détruisant au passage 24 hectares de très bonnes terres agricoles et 6 hectares de bois classés. Deux projets contre lesquels se dressent plus de 2 500 signataires d’une pétition. Quid du trafic induit de poids lourds qui vont se déverser en masse sur ce nouvel itinéraire autoroutier plus court et moins cher ? De quoi étendre ainsi et toujours plus une métropole hypertrophiée, de quoi grossir indéfiniment les trafics routiers périurbains de même que le transit de transport routier et de tourisme.
  • Dans les Pyrénées‐Orientales, la Mairie de Codalet souhaite construire un lotissement à la sortie du village, sur 8 600 m2 de terres agricoles. Les habitants s’opposent à ce bétonnage et estiment que la population locale n’a pas été informée. Ils aimeraient plutôt que le centre urbain soit rénové.
  • Dans les Pyrénées‐Orientales, les organisations écologistes font face à de multiples projets issus d’un autre temps. À Argelès‐sur‐Mer, le maire Antoine Passa veut agrandir le port au mépris de zones humides et donne son feu vert à la construction de centaines de villas sur des zones boisées. À Céret, des espaces naturels encore préservés sont menacés par un projet de pont et de contournement soutenu, quoiqu’il en coûte, par le Conseil départemental. À Canet‐en‐Roussillon, des habitants découvrent qu’une zone arborée de 6000 m² sera détruite pour y construire des immeubles. L’agglomération de Perpignan est défigurée par des routes et déviations de plus en plus nombreuses. Un entrepôt Amazon vient d’être inauguré dans la plaine du Roussillon et d’autres pourraient s’y implanter encore. Partout autour des villes et villages catalans, lotissements et zones commerciales grignotent les terres agricoles pour le seul profit des promoteurs immobiliers et des propriétaires, sans qu’aucune réflexion sur la qualité environnementale, la ressource en eau et l’intérêt commun ne soit menée.
  • En Ariège, un collectif s’oppose à la construction de l’éco‐domaine Coucoo sur le lac de Montbel. Les promoteurs ont promis d’investir 3 millions d’euros et de créer 14 emplois. Les opposants dénoncent une absence totale de concertation avec les habitants et plaident pour un libre accès à cet espace naturel. Ils craignent que les infrastructures nécessaires à l’hôtel (accès routier, assainissement, piscines) et la présence humaine permanente ne perturbent le fragile écosystème du lac. Ils réclament la prise en compte des avertissements de la mission régionale d’autorité environnementale concernant les dommages que pourraient causer les aménagements.

 

La liste de ces projets destructeurs portés par les élus locaux n’est pas exhaustive. On pourrait encore parler de la réouverture de mines, la destruction de forêts entières, la création de retenues d’eau, pompée dans les nappes phréatiques, destinées au maïs et aux méthaniseurs industriels, les « fermes » photovoltaïques, les champs d’éoliennes industrielles : Routes, fermes‐usines, méga-bassines… : face à la ré‐intoxication du monde, 75 collectifs d’habitants appellent les député.es à prendre leur responsabilité à stopper ces projets.

Si ces projets sont menés à bien, affirmer respecter les objectifs de l’Accord de Paris et de la loi Climat et Résilience relève de la mascarade. Surtout, pensés pour la plupart il y a plus de vingt ans, ces projets d’inutilité publique détruisent nos lieux de vie et verrouillent tous nos possibles pour le seul profit des promoteurs, du BTP, des grands groupes et des plateformes logistiques.

Aussi, sur tout le territoire se poursuit le programme Grands Sites Occitanie, « mise en tourisme » de nos lieux de vie à grand renfort d’argent public. Les prix de l’immobilier explosent, le logement se raréfie au profit de la location saisonnière, sur les marchés les étals affichent des prix insolents ; les zones naturelles protégées sont équipées et surfréquentées. Et dans ce marasme, les habitants sont sommés d’incarner l’occitalité, terme de novlangue du Comité régional du tourisme qui, à travers le monde, court les salons pour vendre ses « destinations » à la nouvelle bourgeoisie des pays émergents. Voilà qui fera toujours plus de trafic aérien pour la région de l’aéronautique… Pourtant, le tourisme durable n’existe pas.

Si l’on prône vraiment la qualité de vie et de développement de notre territoire, on doit respecter ses habitants, prendre le tournant social qui s’impose et arrêter le prétendu « développement » qui n’a pour seule valeur que l’argent. Même repeintes en vert, ces politiques d’aménagement climaticides, écocides et réactionnaires, nous n’en voulons plus ! La colonisation de nos territoires au bénéfice d’industries mortifères doit cesser. La sixième extinction de masse est largement commencée, nous seuls, citoyens responsables et déterminés pouvons la stopper.

Nous, associations et collectifs mobilisés sur nos territoires, nous réunissons pour défendre ensemble l’avenir des habitant·es d’Occitanie et exiger l’abandon immédiat de ces projets mortifères et l’amorçage d’une vraie réflexion de fond sur les mobilités de demain.

Les premiers signataires :

  • SOS Oulala
  • Collectifs d’associations Axe vert de La Ramée
  • Les Amis de la Terre Midi Pyrénées
  • Youth for Climate Toulouse
  • Extinction Rebellion Toulouse
  • Autre COM
  • Montagne Noire Avenir
  • Balance ton port
  • Caveirac Vaunage
  • Collectif Non à la Jonction Est à Toulouse
  • Union des luttes
  • Ici Maintenant Saint‐Antonin‐Noble‐Val
  • La Voie est libre (pour une alternative à l’autoroute A69 Castres‐Toulouse)
  • Bourdets Protection Environnement
  • Habitant·es d’ici et d’ailleurs (opposants au barrage de Sivens)
  • Association de Défense du Quartier Viaduc Timbergues‐Aubugues de Souillac
  • Confluences 81
  • Non au gratte‐ciel de Toulouse – Collectif pour un urbanisme citoyen
  • Codal’Terre
  • À pas de loutre
  • Biodiversité interco Lauragais Revel Sorèzois
  • Association pour la protection du cadre de vie des espaces agricoles et naturels de Revel
  • Coordination Viure des Pyrénées‐Orientales

  • le paragraphe concernant l’axe Castelnaudary /Puylaurens fait en fait partie d’un cadre beaucoup plus large :
    Entre Montauban (Tarn et Garonne) et Castelnaudary (Aude), en passant par Graulhet et Gaillac (TArn) un projet d’axe rapide assorti de deux déviations : Blan (Tarn) et Revel (Haute‐Garonne) et de km de routes « modernisées » (entendez routes élargies et virages supprimés). Soit l’accaparement de quelques centaines d’hectares de terres fertiles, de refuges de biodiversité, des parcelles fracturées, les paysages et le cadre de vie bouleversés.

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Par Un collectif d'associations