515 témoignages, 20 experts : comment nous avons enquêté sur l’alimentation locale

Une capture d'écran d'une réunion en ligne avec des experts de l'alimentation et des journalistes de Mediacités
Capture d’écran d’une rencontre avec les experts participant à l’enquête #DansMaVille « Se nourrir dans nos villes »

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Temps de lecture : 4 minutes

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Par Pierre Leibovici

Après six mois de travail et d’échanges avec des experts de l’alimentation, Mediacités débute la publication de la série « Se nourrir dans nos villes ». Cantines scolaires, malbouffe, initiatives pour manger sain et local… Nous avons mitonné une trentaine d’articles pour comprendre les mutations à l'œuvre dans nos assiettes.

Quelque chose entre la cuisine moléculaire et le buffet à volonté. Ainsi pourrait‐on parler de l’enquête expérimentale sur l’alimentation que nous avons lancée en mars dernier et dont la publication débute aujourd’hui. Dix journalistes mobilisés, dont cinq membres de l’équipe permanente de Mediacités, c’est une première pour notre média.

Mais c’est d’abord la manière dont nous avons travaillé qui bouscule nos habitudes — et celles de nos lecteurs et lectrices. Tout a commencé en février dernier. Invités à voter pour le sujet de notre enquête collaborative annuelle, nos abonnés ont retenu « Se nourrir dans nos villes » (devant l’esthétique de nos villes et l’offre de soins dans nos métropoles). Une thématique très large, déjà abordée à plusieurs reprises dans nos pages, et pour laquelle nous devions trouver des « angles » comme on dit dans le jargon, c’est-à-dire des aspects originaux du sujet intéressants à creuser.

Pour cela, nous nous sommes appuyés sur vous. Dans un questionnaire mis en ligne au printemps sur notre rubrique collaborative #DansMaVille, nous vous avons interrogés sur vos habitudes alimentaires depuis la survenue de l’épidémie de Covid‐19, la présence de petits commerces dans votre quartier ou encore des initiatives locales en lien avec l’alimentation que vous auriez repérées. Au total, nous avons reçu 515 messages, certains brefs, d’autres généreusement garnis.

Épicerie vrac vs. drive de supermarché

Pour utiliser au mieux ces expériences dont vous nous avez fait part, nous avons étiqueté chacun des messages en fonction de plusieurs critères :

  • votre ville d’origine ;
  • le type de message (question, opinion, témoignage) ;
  • et les thématiques abordées dans le message (restauration, livraison des courses, consignes, végétarisme… 48 thématiques au total !).

S’il est impossible de les résumer ici — vous pouvez retrouver une sélection de messages anonymisés au bas de cet article —, plusieurs éléments nous ont marqués. D’abord, une partie d’entre vous indique avoir changé ses habitudes de consommation depuis moins de cinq ans. C’est le cas par exemple de Marine, lectrice à Nantes, qui dit « essayer de manger plus sainement pour nous et la planète (bio et local) », ou de Jordan, à Lille, qui « privilégie les produits locaux chez [ses] commerçants de quartier et les magasins bios et vrac ». En miroir, vous êtes aussi nombreux à nous dire que vos habitudes alimentaires n’ont pas bougé. Ce premier clivage qui se dessine nous rappelle combien l’alimentation renvoie à des contraintes (niveau de revenus, taille du foyer, temps disponible) mais aussi à des croyances et des valeurs (manger pour être en bonne santé, limiter l’impact écologique de ses repas, etc.).

Dans la même idée, lorsque nous vous demandons comment ont évolué les commerces alimentaires dans votre quartier, deux pôles se dessinent. D’un côté, certains se réjouissent de la vitalité de l’offre alimentaire en centre‐ville, comme Élodie à Toulouse, qui évoque l’ouverture de « nombreuses petites épiceries bio et [d’un] supermarché coopératif ». D’autres, comme Jean, en périphérie de Nantes, regrettent « la fermeture des commerces de bouche, nous sommes devenus des rues‐dortoirs ». Habitante d’une petite commune de la métropole lilloise, Julie se désole aussi devant la « fermeture de l’unique boulangerie du village », qui la contraint désormais à acheter le pain « en prenant la voiture pour le drive hebdomadaire en supermarché ».

C’est un autre élément qui ressort de vos messages : les initiatives en faveur de l’alimentation locale et de l’aide alimentaire sont foisonnantes depuis le premier confinement. Philippe, par exemple, nous fait part du groupement d’acheteurs qu’il a créé avec des amis à Toulouse pour se faire livrer des fruits et légumes cultivés dans l’Ariège. D’autres évoquent des « paniers bio solidaires », la « distribution en vrac dans les quartiers prioritaires » ou encore le « boom des épiceries solidaires » qui proposent des aliments à très bas coût choisis par les bénéficiaires — contrairement aux associations de distribution alimentaire.

La diététicienne et le gérant d’hyper

Une fois ces messages digérés, les sujets à approfondir étaient nombreux. Et pour cela, au lieu d’ouvrir la traditionnelle séquence d’interviews, nous avons constitué un groupe de 20 personnes expertes de l’alimentation. La plupart d’entre elles nous ont été recommandées par les lecteurs et lectrices sur notre plateforme #DansMaVille, quelques autres ont été contactées par nos soins. Dix femmes, dix hommes, aux profils très variés : une diététicienne, un gestionnaire de lycée, un gérant d’hypermarché, une sociologue…

Comme ces professionnels habitent aux quatre coins de la France, nous nous sommes rencontrés virtuellement à cinq reprises. Au menu de nos discussions : le coût écologique de nos repas, la convivialité à l’heure de la pandémie de Covid‐19 ou encore les inégalités face à l’alimentation saine et locale. Si nos journalistes avaient préparé quelques questions, nous avons surtout écouté les experts partager librement leurs connaissances et leur expérience. Ces échanges nous ont permis d’enrichir, d’affiner et au besoin de réorienter nos projets d’articles.

Tout n’était pas parfait, bien sûr. Comme lors d’une interview en face à face, certains interlocuteurs ont regretté le manque de temps consacré à la discussion. D’autres, habitués à des interventions cadrées dans les médias, auraient aimé que les échanges soient plus canalisés. Mais Charlène Letoux, docteure en sociologie spécialiste du comportement alimentaire des adolescents et membre de ce groupe de réflexion éphémère, résume le sentiment général : « De belles rencontres et des échanges très riches ».

Cette richesse, nous voulons maintenant la partager avec vous à travers les 27 articles qui seront publiés sur Mediacités d’ici à la fin octobre. Et promis, il y en aura pour tous les goûts, quel que soit votre régime alimentaire !


Voici une sélection de plus de 150 réponses (anonymisées) au questionnaire sur notre rubrique #DansMaVille :

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