Qu’est devenue la manne financière de la réserve parlementaire ?

2022-05-AssembleeNationale-ReserveParlementaire
Jusqu'en 2017, chaque député distribuait 130 000 euros par an de subventions à sa totale discrétion.

Publié le

Modifié le

Temps de lecture : 4 minutes

Favorite

Par Émilie Andrieux et Solène Du Roy

Jusqu’en 2017, chaque député ou sénateur distribuait environ 130 000 euros par an de subventions à sa totale discrétion. Cet argent abonde aujourd’hui un dispositif administratif d’aide aux associations mais les parlementaires n’ont pas dit leur dernier mot…

« Question de Lucas, Lyon : « À quoi sert aujourd’hui le budget qui alimentait la réserve parlementaire ? »

Bonjour et merci pour votre question,

C’était l’une des premières mesures votées par les députés LREM après leur élection en juin 2017 : la suppression de la réserve parlementaire. Un quinquennat plus tard, où sont passés les millions d’euros annuels de ce dispositif décrié pour son opacité et le clientélisme qu’il pouvait susciter ?

Pour rappel, chaque parlementaire, sénateur ou député, disposait autrefois d’une enveloppe annuelle d’environ 130 000 euros qu’il distribuait à des associations ou des communes, à sa totale discrétion. Cela n’allait pas sans poser quelques questions… En juin 2017, Mediacités avait par exemple épinglé la répartition très intéressée de la réserve du sénateur Gérard Collomb : l’ancien baron lyonnais privilégiait sans vergogne les communes dirigées par des maires de droite ou de centre droit sans lesquels il ne pouvait pas se maintenir à la présidence du Grand Lyon.

Ces pratiques relèvent donc du passé. Aujourd’hui, une partie des crédits alloués auparavant à la réserve parlementaire sont reversés au Fonds pour le développement de la vie associative (FDVA), un dispositif financier dans le giron du ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse qui existe depuis 2011. Celui‐ci comprend deux volets : d’une part les subventions destinées à la formation des bénévoles (FDVA 1) ; d’autre part, des financements dédiés au fonctionnement et à la mise en place de projets innovants (FDVA 2). Ces subventions, attribuées annuellement à l’échelon départemental, sont comprises entre 1 000 et 5 000 euros. En 2021, dans le Rhône, près d’un million d’euros ont été accordés aux associations par cet intermédiaire, soit environ la moitié du budget de l’ancienne réserve parlementaire. 

Un exemple ? À Belleville‐en‐Beaujolais, le Foyer des Remparts, l’une des 30 000 associations du département du Rhône, a reçu 4 500 euros de la part du FDVA pour financer l’achat d’une rosalie. Pour obtenir cette subvention, l’association a dû déposer une demande qui a suivi un itinéraire complexe. Se voulant à l’opposé du fonctionnement discrétionnaire de la réserve parlementaire, le processus du FDVA est collégial. Au risque parfois de verser dans l’excès inverse et de manquer de lisibilité pour les petites associations…

Un dédale administratif

En 2021, la Cour des comptes a publié un rapport évaluant l’efficacité du dispositif. Celui‐ci souligne « la lourdeur du schéma actuel reposant à la fois sur l’échelon régional et départemental ». De fait, chaque demande de subvention est étudiée par différentes instances. Tout d’abord, une commission consultative se réunit au niveau régional pour étudier les dossiers. Elle est présidée par le préfet de la région Auvergne‐Rhône‐Alpes et comprend onze représentants des différents ministères ainsi que des personnalités qualifiées de la vie associative.

Par ailleurs, au niveau départemental, un collège consultatif du fonds émet un avis sur les demandes de financement des associations en tenant compte des priorités identifiées au niveau régional. Ce collège se réunit deux fois par an, pour le lancement de la campagne du FDVA et pour la répartition des subventions. Présidé par le préfet du Rhône, il réunit des représentants des maires des communes et des personnalités qualifiées du monde associatif.

Pour obtenir une subvention, les associations doivent répondre à plusieurs critères définis par une note d’orientation. Les associations cultuelles et para‐administratives, les syndicats ou les partis politiques ne sont pas éligibles au FDVA. « Les petites associations avec peu d’employés sont privilégiées, car le but du fonds est de développer la vie associative et d’aider ces structures modestes », explique un agent de la préfecture chargé du dispositif. « C’est un processus transparent et argumenté qui prend en compte l’intérêt général, insiste‐t‐il. Les agents de l’État ne sont pas influencés par les commentaires des députés [qui parfois appuient les demandes de certaines associations]. »

Clubs de sport, compagnies de théâtre, épiceries solidaires : les domaines d’action subventionnés sont particulièrement divers. Pour l’année 2021, la formation des bénévoles représentait plus de 100 000 euros de budget dans le département du Rhône. Les associations qui œuvrent dans le domaine social arrivent en tête des structures qui reçoivent les financements les plus importants.

 

Quant au volet « Fonctionnement et innovation » (FDVA 2), le volume budgétaire grimpe à environ 800 000 euros. Les associations culturelles captent plus d’un tiers des financements supérieurs à 1 500 euros. A l’inverse, les associations environnementales apparaissent comme le parent pauvre du dispositif.

 

« Le FDVA n’est pas un processus de financement totalement juste », pointe l’un des agents de la préfecture chargé du traitement des dossiers. Il déplore notamment l’absence de base commune pour connaître l’ensemble des financements perçus par chaque association. Pour revenir à l’exemple de la rosalie de Belleville, la subvention du FDVA de 4 500 euros ne représente qu’une infime partie du budget du Foyer des Remparts qui s’élève à 1 million d’euros.

La Cour des comptes souligne dans son rapport de 2021 que « les objectifs nombreux et ambitieux assignés au FDVA 2 apparaissent en décalage avec les moyens déployés et provoquent un saupoudrage des financements et la distribution de subventions de faible montant ». Avec un plafond de 5 000 euros par association, un certain nombre de structures sont contraintes de multiplier les sources de financement.

D’une réserve à l’autre

Si les parlementaires ne disposent plus de « réserve », ce n’est pas le cas de tous les élus. Mediacités a ainsi documenté comment les conseillers départementaux du Rhône ou du Nord continuent de bénéficier d’enveloppes annuelles qu’ils distribuent selon leur bon vouloir avec les dérives clientélistes que cela peut occasionner. A (re)lire dans nos pages : 

Trouver un équilibre avec les députés

Ces reproches trouvent un écho auprès d’élus et de représentants associatifs qui manifestent une certaine nostalgie pour la réserve parlementaire. Pour Bernard Perrut (LR), député sortant de la 9e circonscription du Rhône, le fonctionnement actuel du FDVA serait déconnecté des enjeux des territoires : « Vouloir subventionner à un niveau administratif, c’est beaucoup moins simple que ce qui se faisait par le passé. Avant, la réserve permettait aux parlementaires de donner des aides en fonction des associations qu’ils connaissaient sur le terrain. »

« Notre association est très proche de Bernard Perrut, confie Mohamed Lichani, directeur du Foyer des Remparts. Au temps de la réserve, dès qu’on avait un projet, il nous soutenait (…) Mais maintenant, les députés n’ont plus de poids… » Plus pour très longtemps ? Des députés de la majorité travaillent à une proposition de loi qui vise à intégrer les parlementaires dans la procédure du FDVA. Deux députés, deux sénateurs et leurs suppléants pourraient prochainement être intégrés au collège départemental consultatif de chaque département. Comme un retour en arrière en matière d’indépendance ?

Cet article ayant été réalisée dans le cadre d’un travail étudiant du master de journalisme de données et d’enquête du CFJ‐Sciences Po Lyon et sans rémunération des auteurs de la part de Mediacités, nous le publions en accès libre.

Aucun commentaire pour l'instant

Attention : journal en danger !
Soutenez Mediacités !

Depuis bientôt huit ans, notre journal d’investigation propose des enquêtes sur les pouvoirs locaux dans les grandes métropoles. À Lille, Lyon, Nantes et Toulouse, des dizaines de journalistes publient en toute indépendance des informations inédites qui nourrissent le débat public et produisent de l’impact.
Aujourd’hui, notre campagne de financement participatif à atteint la moitié de l’objectif. Mais nous avons encore besoin de votre aide.
On vous explique tout ici :

Comment soutenir Mediacités ?

D’ici au 31 décembre, chaque coup de pouce compte !

Ceci fermera dans 25 secondes