Affaire Moudenc, 3T, école intégriste et promesses de campagne… L’impact des enquêtes de Mediacités Toulouse en 2025

Parmi les plus de 160 articles écrits par la rédaction toulousaine depuis janvier 2025, certaines enquêtes ont fait bouger les lignes – même si d’autres non. Des répercussions qui prouvent, une nouvelle fois, l’utilité d’une presse d'investigation locale.

Révéler des faits d’intérêt public à Toulouse et dans ses alentours. Voilà depuis maintenant huit ans la promesse éditoriale de Mediacités. Notre travail est donc de récolter, vérifier, vérifier et encore vérifier des informations, pour les hiérarchiser et enfin les publier chaque lundi matin. Nous ajoutons à cette définition une mission sociale : celle d’éclairer des problématiques méconnues afin de participer à des changements concrets dans la société. 

Semaine après semaine, nous cherchons à générer une prise de conscience et à inciter les pouvoirs – quels qu’ils soient – à rendre des comptes et à réagir, si nécessaire, face aux dysfonctionnements ou aux injustices révélés. Depuis la création de notre média d’investigation, le journalisme d’impact est la colonne vertébrale de Mediacités, détaillée dans notre manifeste.

Pour ne pas se contenter de mots, nous nous astreignons à revenir une fois par an sur notre impact. Un travail qui force à l’humilité, car les conséquences clairement imputables à nos révélations se comptent chaque fois sur les doigts de la main, malgré la publication de dizaines d’articles chaque année. 

2025 n’est pas encore achevée, mais après 2019, 2020, 2021, 2022, 2023 et 2024, voici notre coup d’œil dans le rétroviseur des effets produits par les 160 et quelques articles publiés cette année par la rédaction de Mediacités Toulouse. 

Affaire Moudenc

♦ Les faits :

Des mois d’enquête, de vérifications et de recoupements nous ont permis de dévoiler une affaire potentiellement explosive pour le maire de Toulouse. Selon des centaines de documents échangés entre 2019 et 2020 au sein de l’équipe de campagne de Jean‐Luc Moudenc, des membres du cabinet du maire sortant, salariés par la collectivité, ont participé à la campagne du candidat LR.

Sous la houlette du directeur de cabinet du maire de Toulouse, Arnaud Mounier, et de son adjointe Sabine Villeneuve, une douzaine de salariés municipaux auraient œuvré à la campagne du maire, en semaine et pendant des horaires de bureau. Réunion de préparation de réunions publiques ou de rendez‐vous médiatiques, rédaction du programme, réponses aux courriers, rédaction de discours, d’argumentaires, de contre‐argumentaires et d’éléments de langage en tout genre, les missions réalisées était nombreuses. Une telle mobilisation de ces « petites mains », si elle a eu lieu sur leur temps de travail, pourrait contrevenir aux codes pénal et électoral.

Affaire Moudenc : les preuves de l’implication du maire de Toulouse

Selon les documents que nous avons pu consulté, Jean‐Luc Moudenc ne pouvait ignorer que ses collaborateurs de cabinet travaillaient pendant leur temps de travail pour sa candidature. Il leur a lui‐même donné des consignes alors qu’ils étaient salariés par la mairie.

👊 Impact :

Sur la base des révélations de Mediacités et des documents dont elle dispose, l’association de lutte contre la corruption Anticor a porté plainte, début juin, contre Jean‐Luc Moudenc pour détournement de fonds publics et financement illicite de campagne dans le cadre de l’élection municipale de 2020 du maire de Toulouse. Le maire de Toulouse, son ancien directeur de cabinet, son ancienne directrice adjointe de cabinet et plusieurs adjoints sont visés à des degrés divers. Ils sont toutes et tous présumés innocents à ce stade.

Affaire Moudenc : Ces proches du maire de Toulouse soupçonnés par la justice de complicité de détournement de fonds publics

Dans sa plainte adressée au procureur de la République de Toulouse, Anticor explique que : « En ayant obtenu de la part de la mairie de Toulouse et de différentes collectivités territoriales la mise à disposition des salariés, rémunérés par ces dernières, sur leur temps de travail, ainsi que leur équipement informatique, Jean‐Luc Moudenc aurait perçu un avantage prohibé et commis l’infraction de financement illicite de campagne. »

Trop compliqué à gérer au tribunal de Toulouse où le parquet et la mairie sont souvent en interaction, le dossier a été dépaysé. Durant l’été, le dossier a atterrit sur le bureau du procureur général d’Agen qui l’a confié à Clémence Meyer, la procureure d’Auch, dans le Gers.  Celle‐ci a ouvert une enquête préliminaire pour détournement de fonds publics et financement illicite de campagne, en août dernier. 

Le maire a toujours refusé de répondre à nos questions pour réfuter les faits qu’il conteste. Depuis le lancement de sa campagne, il abordé la question avec certains médias, comme Actu Toulouse. Il affirme avoir toujours « respecté les lois de la République » et s’étonne que l’affaire éclate « à quelques mois des Municipales ». « Nul n’est dupe, on voit bien à qui tout cela peut profiter. La justice est saisie de ce dossier. Mon souhait, c’est que l’enquête se fasse, qu’elle avance et me permette de donner mon témoignage », assure‐t‐il.

Les 3 T

♦ Les faits :

L’enquête sur ce théâtre d’humour emblématique de la place toulousaine a démarré lorsque nous avons pris connaissance, en octobre 2024, d’une polémique lancée par le collectif féministe Nous toustes 31 au sujet d’une affiche arborant une citation de Gérard Depardieu, quelques mois avant le procès du comédien, accusé de violences sexuelles et sexistes.

Nous avons alors interrogé plus d’une trentaine d’anciens et actuels collaborateurs du café‐théâtre à la santé financière florissante, pour documenter les méthodes de management brutales et l’ambiance malsaine et sexiste, qui régnaient dans cet établissement, à diverses époques. Ces témoins nous ont décrit des patrons « tyranniques », se servant de la précarité du monde du spectacle pour payer au rabais et congédier sans préavis leurs collaborateurs, tout en usant de comportements problématiques à l’égard des femmes et d’une banalisation, en interne, du sexisme.

Comédiens et employés dénoncent les méthodes des « Thénardier » des 3T

Interrogés sur leurs méthodes, le couple Pey et leur associé Laurent Alvarez, ont refusé de nous répondre. Suite à la publication des différents volets de notre enquête, la chasse aux sorcières, déjà pratiquée à plusieurs reprises aux 3T, s’est intensifiée. Plusieurs comédiens et comédiennes ont été mis à la porte.

👊 Impact :

Notre enquête a poussé plusieurs collaborateurs et collaboratrices à signaler les agissements des gérants des 3T aux syndicats SFA‐CGT et Sammip‐CGT. D’autres ont trouvé le courage de quitter l’établissement, duquel ils se sentaient dépendants financièrement.

Même si les dirigeants eux‐mêmes ont refusé de se remettre en question (en tout cas en public), ils ont modifié certaines pratiques. Selon nos informations, ils auraient ainsi indemnisé plusieurs comédiens et comédiennes, à leur départ, pour compenser les dates annulées.

Au‐delà de ces impacts individuels, nos révélations ont permis de libérer la parole dans un milieu où ces pratiques sont monnaie courante, ce qui a été salué par d’anciens employés du théâtre ainsi que des collaborateurs et collaboratrices qui y travaillaient encore.

Selon Julien David, secrétaire du bureau régional Midi‐Pyrénées du SFA‐CGT, « il y a beaucoup de vieux directeurs et metteurs en scène à la tête des lieux, une génération pour qui les questionnements féministes n’étaient pas à l’ordre du jour. Mais la parole se libère car le mouvement social féministe prend de l’ampleur ». Le syndicaliste dénonçant un milieu, celui du théâtre, où existe «  une forme de « gourouisation » des artistes. Comme c’est un milieu auquel il est difficile d’accéder, on accepte des conditions qu’on n’accepterait pas dans d’autres milieux », souligne le syndicaliste.

Une école intégriste dans le Gers

♦ Les faits :

Officiellement dissous, le mouvement d’extrême droite Civitas bouge encore. Depuis 2017, une vingtaine d’enfants étaient formés à la contre‐révolution catholique et à la sécession dans l’école Notre‐Dame Divine Bergère. Située à Aurenque, un hameau rattaché au village gersois de Castelnau d’Arbieu, l’école hors‐contrat était gérée par la « Communauté des Capucins de Morgon de stricte observance », qui revendique sa rupture avec les décadentes autorités vaticanes et cultive ses liens avec Civitas. 

Gilles Debot, le directeur de l’école, s’est par exemple illustré lors d’une réunion de Civitas, en 2021, où il évoquait le « programme des mondialistes avec la dépopulation et des zombies partout ( sic) » et stigmatisait « la déshumanisation de l’ensemble du système mondialisé, car il est antichrétien ».

Des dérives intégristes que les autorités laissaient curieusement prospérer. À l’issue de plusieurs contrôles, l’Inspection académique du Gers et le Rectorat de Toulouse avaient exigé des « améliorations » et affiché leur « préoccupation » face à ce lieu d’enseignement « pas comme les autres », sans pour autant mettre la structure à l’amende. 

👊 Impact :

La publication coup sur coup de notre enquête, le 24 février, après un court article du Canard Enchainé, fin janvier, a secoué le cocotier gersois. Une nouvelle inspection académique a été diligentée, le 7 mars 2025, par le rectorat de Toulouse. Sur place, les inspecteurs dépêchés ont été « effarés » par « ce qu’ils ont découvert lors de leur contrôle », selon nos sources.

C’est cependant sur des défaillances de forme (non‐respect des normes de sécurité, qualifications approximatives des intervenants pédagogiques…) et non leurs errements idéologiques, que le préfet du Gers, Alain Castanier, a ordonné la fermeture administrative de l’établissement, le 19 mars. Un représentant du Rectorat rappelait néanmoins à Mediacités – non sans humour – que même « Al Capone est tombé pour fraude fiscale, alors que là n’était pas son crime le plus grave ».

Prévue initialement pour trois mois, la fermeture temporaire pouvait devenir pérenne et se traduire par une « non‐réouverture de la structure » à la rentrée de septembre si les Frères d’Aurenque restaient sourds aux sermons de l’administration. Résultat, il n’y a pas eu de rentrée des classes en septembre.

Les promesses de Jean‐Luc Moudenc

♦ Les faits :

En 2020, le programme municipal de Jean‐Luc Moudenc comptait quatorze thématique allant de la sécurité à la mobilité en passant par la culture, le sport, la jeunesse, le logement, la santé, etc. Au total, 300 promesses électorales ont été présentées aux électeurs et électrices. Le candidat de droite (il adhérait alors au parti Les Républicains) promettait par exemple de « maintenir notre soutien aux institutions et aux associations culturelles (…) avec une stabilité des subventions allouées à la culture » ou encore de mettre « en place des espaces d’accueil où les Toulousains pourront accéder à plusieurs services publics au même endroit ».

Au crépuscule de son mandat, le maire de Toulouse, qui en brigue un troisième en mars 2026, a‑t‐il tenu ou trahi ses engagements de campagne ?

👊 Impact :

Pour le savoir, Mediacités a commencé par scanner toutes les promesses du candidat sortant. Mises en ligne, ces informations ne risquent pas de disparaître comme cela a été le cas sur le site de campagne Moudenc2020.fr.

Ensuite, nous avons suivi année après année la réalisation de ces promesses. Ce travail fastidieux qu’aucun autre média n’a réalisé dans cette ampleur, n’est pas encore terminé. A ce jour, nous avons évalué une centaine de promesses et publié trois bilans de l’action municipale.

Mutuelle santé communale, hébergements temporaires pour personnes âgées dépendantes, service d’Ehpad hors les murs, sur la santé le programme comptait seulement huit mesures. Notre analyse montre que trois ont été tenues, trois autres le sont partiellement à ce jour et deux autres ont été abandonnées.

Santé : les promesses tenues de Jean‐Luc Moudenc… et les autres

Plus de caméras, plus de policiers, plus de patrouilles… sur la sécurité, thème cher au maire sortant, 17 promesses devaient être mises en œuvre durant le mandat actuel. A l’heure des comptes, le bilan est contrasté : sept ont été tenues ; quatre le sont partiellement ; deux ont été abandonnées ; trois ne sont pas tenues ; une reste invérifiable.

Promesses de campagne : le bilan mitigé de Jean‐Luc Moudenc sur la sécurité

Construction de la ligne C de métro, RER toulousain, Réseau vélo express… En 2020, Jean‐Luc Moudenc avait également beaucoup promis en matière de mobilités. Sur les quarante‐trois promesses de campagne sur cette thématique, seize ont été réalisées et sept le sont partiellement. Dix‐sept mesures promises n’ont pas été tenues, deux sont invérifiables et une est en pause.

Mais en période de campagne, mesurer l’efficacité en termes de réalisation sur le mandat ne rime pas toujours avec humilité.

Mobilités : les promesses ambitieuses de Jean‐Luc Moudenc rattrapées par la réalité 

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Temps de lecture : 7 minutes

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Par Gael Cérez et Armelle Parion

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