Métropole de Lille : à mi‐mandat, les 104 promesses de Damien Castelain passées au crible

En 2020, Mediacités mettait en ligne Radar, un outil inédit de suivi des promesses de campagne. Trois ans plus tard, Damien Castelain tient-il ses engagements ?

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Mediacités a analysé les 104 promesses de campagne du président de la MEL Damien Castelain. Montage : Matthieu Slisse / Mediacités

En 2020, alors qu’il était en course pour sa réélection à la présidence de la MEL, Damien Castelain avait promis d’établir « un dispositif de suivi des engagements de campagne permettant aux citoyens […] et aux médias de suivre, dans la transparence, l’avancée des engagements de campagne du groupe Métropole Passion Commune ». Trois ans plus tard, Mediacités a eu beau fouiller de fond en comble le site de la MEL… aucune trace de ce fameux « dispositif de suivi ». Malgré nos forces limitées, Mediacités a relevé le défi… et repris le flambeau.

Via Radar – notre propre outil de suivi indépendant -, nous avons minutieusement répertorié et analysé l’intégralité des engagements du président de la Métropole européenne de Lille (MEL). Comme nous l’écrivions en 2020, « nous considérons que les pouvoirs exécutifs des grandes villes ont des comptes à rendre à leurs électeurs, et pas seulement tous les six ans ». Il s’agit d’un exercice sain de la démocratie.

Explorer les 104 promesses de Damien Castelain

À l’occasion de la mi‐mandat, nous publions donc un premier bilan. Parmi les 104 promesses de Damien Castelain, Mediacités considère que 26 ont d’ores et déjà été tenues, 9 sont en partie appliquées, 27 sont en pause et 11 sont abandonnées ou non tenues. Le compte n’est pas bon ? Oui, mais cela s’explique : sur les 31 promesses restantes, plusieurs ont été formulées de manière trop imprécise pour pouvoir être analysées. Quant aux autres, elles ne pourront être vraiment « jugées » qu’en fin de mandat [voir notre méthodologie dans l’encadré En Coulisses]

De la valeur des promesses de campagne

En retirant les 12 promesses trop floues pour pouvoir être étudiées par Mediacités [lire plus bas], plus d’un tiers des engagements de campagne de Damien Castelain (32 sur 93) sont en totalité ou en partie tenus. Pour autant – et c’est une limite de notre outil -, toutes les promesses ne sont pas d’importance égale.

Renouveler le schéma directeur des infrastructures de transport implique évidemment beaucoup plus d’investissements que la mise en place, dans les écoles, d’ateliers de sensibilisation sur les compétences de la MEL. Tenir sa promesse de faire sa promo auprès des enfants vaut pourtant autant que la finalisation d’un plan à plusieurs centaines de millions d’euros.

Notons par ailleurs que certaines promesses tenues avaient été réalisées avant 2020. Comme ces 10 millions d’euros promis à l’organisme de lutte contre le diabète, PreciDIAB, sur une période de cinq ans. Si la MEL a effectivement voté cette enveloppe, l’engagement date du 11 octobre 2019 (pour une période allant jusqu’en 2024). Soit quelques mois avant que Damien Castelain ne l’intègre à son programme de campagne.

Culture : un bilan flatteur

Qui n’a jamais entendu parler de Lille 3000, de la piscine de Roubaix ou du festival Séries Mania ? La culture à la sauce lilloise a su se frayer un chemin en dehors de la métropole. Pourtant, ce n’est pas là que la MEL place le plus de sous. Avec 34,3 millions d’euros en 2023 – sur un total de deux milliards -, la culture est loin d’être le budget le plus important de la MEL.

Malgré tout, Damien Castelain peut féliciter Michel Delepaul, président de l’agence d’attractivité Hello Lille et vice‐président en charge de la culture : avec cinq engagements sur sept labellisés comme tenus ou en partie tenus, la culture est l’une des thématiques qui a été suivie le plus assidûment par les élus de la métropole (derrière la santé et la sécurité, qui ne comportent au total que trois promesses).

Depuis plus de deux ans, un fonds de concours en faveur du patrimoine communal remarquable – doté de quatre millions d’euros par an – a vu le jour, ainsi qu’une bibliothèque numérique métropolitaine. L’événement culturel annuel des Belles sorties, quant à lui, s’est enrichi avec les arts de la rue, comme promis par Damien Castelain en 2020.

Cependant, on attend encore la création de Démos danse et Démos théâtre, inspirés du dispositif d’éducation musicale du même nom. Celui‐ci vise à ouvrir la pratique de la musique classique aux enfants des quartiers prioritaires de la ville ou des zones de revitalisation rurale.

L’environnement, l’économie et l’action sociale à la traîne

D’autres thématiques font, à l’inverse, pâles figures à la mi‐mandat de Damien Castelain. Il en est ainsi des engagements environnementaux avec seulement cinq promesses tenues ou en partie tenues sur 14, soit à peine plus d’un quart. En 2023, la MEL ne leur a consacré que 36 millions d’euros (sur un budget total de deux milliards).

La mise en place de la zone à faible émissions, initialement prévue pour 2020 a été repoussée à 2025, et la trajectoire carbone de la MEL est ascendante alors que le plan Climat‐Air énergie adopté en 2021 ambitionne une « réduction de 40 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 ». En comparaison, les promesses tenues dans le domaine de l’environnement sont presque anecdotiques, à l’instar de la création d’une ferme urbaine.

Plus surprenant pour un élu ancré à droite comme Damien Castelain, les questions économiques ont également été fortement délaissées en ce début de mandat – l’irruption  du Covid n’ayant pas aidé, et entraîné des dépenses supplémentaires.

Sur 13 engagements, l’exécutif métropolitain n’en a tenu que trois, soit moins du quart (23 %) et cinq promesses ont été classées comme « non tenues » ou « en pause » (38 %). Pire, Mediacités en a comptabilisé trois comme invérifiables, car beaucoup trop floues. Parmi les renoncements les plus significatifs, on peut citer l’échec de la généralisation du dispositif “zéro chômeurs de longue durée” à tous les quartiers prioritaires de la ville.

Heurs et malheurs des territoires « zéro chômeur » de la métropole européenne de Lille

Zéro pointé pour la politique handicap et la pauvreté

Enfin, aucun projet relatif à l’action sociale (handicap, lutte contre la pauvreté, jeunesse…) n’a encore abouti. À l’inverse, cinq promesses – sur six, soit 83 % ! – ont été labellisés comme “en pause”. En clair, depuis le début de son mandat, en 2020, aucune action n’a été menée pour atteindre les objectifs fixés dans ce domaine par Damien Castelain dans son projet métropolitain.

Le maire de Péronne‐en‐Mélantois avait notamment promis « une redéfinition de la tarification sociale des transports publics ». À la place, le prix de l’abonnement annuel pour les 4–25 ans les plus précaires est passé de 37,20 euros en 2018 à 40,80 euros en 2023. On notera malgré tout l’arrivée de la gratuité pour les moins de 18 ans dans tous les transports gérés par Ilévia depuis le 1er janvier 2022.

Un bilan transports en demi‐teinte

Côté transports – compétence métropolitaine par excellence – on attend encore le doublement des rames du métro 1 – censé être opérationnel d’ici la fin de l’année 2023 et les 24 nouvelles rames de tramway semblent s’être perdues en chemin.

Métro de Lille : les vraies raisons du retard du doublement des rames

Pourtant, en matière de budget, la délégation des transports a remporté le pactole. Avec 516 millions d’euros (sur 2 milliards) en 2023, il s’agit de loin de l’enveloppe la plus dotée. Si certains gros projets peinent à démarrer, Damien Castelain et son vice‐président délégué aux transports Sébastien Leprêtre enregistrent néanmoins des avancées d’ampleur en cette mi‐mandat.

La politique cyclable de la métropole, par exemple, a vu son budget tripler en moins de trois ans. Cet effort doit néanmoins être relativisé car il « place la MEL dans la moyenne basse des grandes agglomérations », relevait en juin dernier pour Mediacités l’urbaniste Robin Puchaczewski, qui a comparé les budgets accordés aux politiques cyclables par les différentes collectivités.

Devenir une « véritable métropole cyclable » : le difficile changement de braquet de la MEL

Tous les portiques de contrôle d’accès au métro ont été installés (même s’il est toujours difficile d’estimer leur efficacité contre la fraude). Notons aussi le lancement de l’éco-bonus mobilité ou encore du paiement des transports en commun par carte bleue. De quoi donner à ce bilan de mi‐mandat un côté mi‐figue mi‐raisin.

Promettre ou ne pas promettre : telle est la question

Pour les politologues Isabelle Guinaudeau et Simon Persico, « les promesses électorales suscitent des espoirs à la hauteur des déceptions qui sanctionnent les promesses non tenues ». Les auteurs de Tenir promesse. Les conditions de réalisation des programmes électoraux citent de très nombreuses enquêtes d’opinion qui révèlent « un climat de scepticisme généralisé à l’égard des engagements de campagne, présentés comme un simple instrument de communication, voire comme une “imposture” ».

Rappelons toutefois que l’action de la MEL ne peut être exclusivement évaluée via l’analyse du respect des promesses de campagne du groupe politique majoritaire. Au quotidien, la métropole finance des services publics, subventionne des associations et doit parfois réagir dans l’urgence, comme face au Covid… Tant de points que nous n’avons pas eu à étudier dans cet article, faute d’engagements préalables.

Quel regard Damien Castelain pose‐t‐il sur le début de son mandat ? Où souhaite‐t‐il mettre l’accent d’ici 2026 ? Le président de la métropole n’a, hélas, une nouvelle fois pas répondu à nos sollicitations dans les délais impartis. Mais ses services – et c’est une excellente nouvelle ! – nous ont indiqué « travailler afin de vous apporter des réponses, s’agissant des éléments de mise à jour de l’outil radar ». Sollicités le 4 septembre dernier, ils ont ajouté qu’ils n’étaient pas en mesure de le faire avant la publication de cet article. Nous tiendrons évidemment compte de toutes remarques à venir.

L’étude du respect des promesses de campagne est un travail de fourmi. Il s’agit de de se plonger dans les très nombreuses délibérations de la MEL, décrypter le jargon administratif, puis d’établir un verdict. Ce travail a nécessité plus d’une semaine complète pour deux journalistes.

Comment lire ces verdicts ?

« Appliquée » : la promesse est tenue et des éléments factuels (vote d’une délibération, chantier réalisé) en attestent.

« En partie appliquée » : la promesse initiale n’est pas atteinte (parfois pour une question de temps, parfois pour une question de montant ou d’ampleur du projet), mais des changements concrets sur le sujet ont été apportés depuis le début du mandat.

« En pause » : la promesse est au point mort, nous n’avons constaté aucune action ou annonce liée à l’engagement, mais celui‐ci n’est pas officiellement abandonné.

« Abandonnée/Non tenue » : la promesse formulée en 2020 n’est ou ne sera pas respectée.

« Invérifiable » : la promesse est formulée de manière floue et/ou bien ne comporte aucun objectif chiffré.

« En cours d’évaluation » : Ce verdict signifie que la promesse contient un objectif lié à la fin du mandat. Ces promesses resteront par conséquent « en cours d’évaluation » jusqu’en 2026. C’est le cas de l’engagement pris sur la production d’hydrogène à partir du centre de valorisation énergétique.

  • Monsieur Castelain prépare son départ car la justice va le rattraper début 2024… En effet, il se présente aux sénatoriales (5ème position) et il est fort à parier qu’en coulisse, des tractations sont en cours afin qu’il laisse sa place à Monsieur Darmanin ou Vercamer…

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Par Brianne Cousin et Matthieu Slisse