Quatre ans de censure : le boycott de la métropole de Lille n’a que trop duré !

Photomontage de Damien Castelain, président de la métropole européenne de Lille, tenant d'une main un micro, de l'autre une structure gonflable à l'effigie de la MEL.
Illustration : Pierre Leibovici / Mediacités

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Par Jacques Trentesaux

Depuis quatre ans, la Métropole européenne de Lille (MEL) refuse de répondre aux sollicitations de Mediacités, sur tous les sujets. Pour mettre fin à ce blocage systématique, notre journal lance la campagne #StopCensureMEL sur les réseaux sociaux. Dorénavant, un compteur affichera sur notre site le nombre de jours de boycott de Mediacités par la collectivité de Damien Castelain.

Quatre ans. Le 15 juin prochain, cela fera très exactement quatre années que la Métropole européenne de Lille (MEL) ne répond plus aux demandes presse de Mediacités. Quatre ans, soit près de 1 500 jours. Ce blocage est dû à la seule volonté de Damien Castelain. Le président de la 4e métropole de France a imposé à l’ensemble de ses agents de ne pas parler à Mediacités. Jamais. Quelle que soit la teneur des informations que nous sollicitons. Aucun accusé de réception. Aucune explication. Rien. La consigne a aussi été transmise aux entreprises, telle Ilévia, qui assurent une mission de service public par délégation de la MEL. Quant aux élus de la majorité, ils savent qu’ils doivent gérer tout échange avec notre rédaction dans la plus grande discrétion pour ne pas endurer les foudres de leur président.

2367 jours que Damien Castelain interdit aux 3 000 agents de la MEL de répondre aux questions des journalistes de Mediacités

Pourquoi une telle censure ? Parce que depuis quatre ans, nous inspirons de la « haine » à Damien Castelain, selon ses propres termes. De la haine contre ces « pseudo‐journalistes » qui divulguent « des insinuations abjectes et infondées » et orchestrent une « chasse à l’homme téléguidée »… Ni plus ni moins. Les relations entre la Mediacités et la MEL ont commencé à se détériorer à la suite de la publication d’un portrait consacré à Bruno Cassette, son ancien directeur général des services et d’une analyse sur les relations entre les deux hommes. Elles se sont définitivement rompues à la suite de nos révélations, les 15 et 18 juin 2018, sur les factures privées du président (costumes, chaussettes, parfums, frais de hammam, d’hôtels ou de restaurants non‐justifiés…) payées par les contribuables.

Avions‐nous tort ? Il semble que non puisqu’aucune plainte en diffamation n’a suivi. Mieux, l’Agence française anticorruption (AFA), qui effectuait en même temps un contrôle de routine au sein de la MEL, a procédé à un signalement auprès du Procureur de la République pour les mêmes faits ; une enquête préliminaire a été ouverte pour détournement de fonds publics ; le président a effectué une garde à vue de 36 heures en juillet 2019 et a reconnu les faits. Il avait même pris les devants discrètement en effectuant un « don » de 20 452 euros à la collectivité le mois précédent… Damien Castelain sait qu’il n’échappera pas à son renvoi devant le tribunal correctionnel de Lille même si la justice prend — beaucoup trop — son temps (voir notre encadré au bas de cet article).

Peu importe la justesse et le sérieux de l’enquête de Mediacités : nous sommes censurés depuis lors. « Le président a été blessé, assure une source bien placée à la MEL. Certains ont plaidé en interne pour qu’il révise sa position mais il est demeuré inflexible. » Pour justifier le blocage, Damien Castelain ne met évidemment pas en avant sa vexation personnelle mais un traitement éditorial de Mediacités qu’il juge systématiquement à charge. On laissera nos lecteurs et nos lectrices juger de cette affirmation. Mais on ne laissera pas plus longtemps la MEL ne pas nous respecter.

Derrière cette censure qui s’éternise, c’est évidemment la liberté d’expression qu’on bafoue. La MEL est une collectivité publique. L’une de ses missions est de rendre des comptes au public, ce qui passe, qu’on le veuille ou non, par des réponses apportées aux journalistes quel que soit leur titre de rattachement. Rien ne justifie le mutisme de la MEL lorsque des membres de la rédaction de Mediacités s’adressent à ses services pour comprendre, par exemple, les raisons du soutien de la collectivité au projet d’agrandissement de l’aéroport de Lille‐Lesquin, les mesures prises pour endiguer les risques d’inondation ou encore la politique de résorption des friches. La situation devient ubuesque lorsque l’un de nos pigistes, par ailleurs collaborateur d’autres médias locaux, s’adresse au service de presse de la MEL : il ou elle doit certifier de ne pas enquêter pour le compte de Mediacités afin d’avoir la chance d’obtenir un retour. 

Parce que la liberté de la presse est un joyau à défendre, parce que cette censure injustifiée – due à l’exigence un seul homme – ne peut plus durer, nous avons décidé de changer de ton. Nous afficherons désormais sur notre site et dans chacune de nos newsletters un compteur de jours de censure. Nous appelons aussi nos lecteurs et nos lectrices à écrire directement à Damien Castelain, afin d’exiger le retour à un traitement normal de la MEL à notre égard, et à relayer notre appel sur Twitter et sur WhatsApp. Un fonctionnement qui serait juste respectueux de la liberté de la presse, pilier de notre démocratie.

Jacques Trentesaux, directeur de la rédaction de Mediacités

 

Affaire des frais de Damien Castelain : la lenteur coupable de la justice

Comment expliquer qu’une affaire aussi simple que celle des frais indus du président Castelain n’ait toujours pas abouti quatre ans après sa dénonciation et l’ouverture d’une enquête préliminaire ? Et cela alors que les faits sont avérés et reconnus par l’intéressé ? Me Joseph Bréham, avocat du lanceur d’alerte Éric Darques dans le dossier du Grand Stade de Lille, a fini par perdre patience et demander par courriel des explications à la justice.

« Nous attendons l’épuisement des recours, lui a répondu la vice‐procureure Noémie Roche, notamment le pourvoi de votre client dans le dossier du Grand Stade. » Ainsi, le pourvoi en cassation fait par Éric Darques à la suite du non‐lieu général rendu le 19 janvier dernier par la chambre d’instruction de la cour d’appel de Douai bloquerait tout le processus. Pourtant, la vice‐procureure écrit ensuite noir sur blanc que « les deux dossiers ne sont pas liés ». Furax, Me Bréham ironise alors dans un courriel resté sans réponse : « Si je comprends bien, la sanction des éventuels errements récents de M. Castelain dépend de la sanction de ses éventuels errements moins récents. Pourrais‐je, avec l’autorisation du parquet de Lille, évoquer la « jurisprudence Castelain » lorsque d’autres juridictions auront pour velléités de poursuivre certains de mes autres clients ? »

Ainsi le tribunal de Lille souhaite fixer une audience unique pour les deux dossiers judiciaires qui impliquent Damien Castelain (celui des frais indus, donc, et celui des pierres bleues). « Pourquoi s’embêter avec des notions telles que la récidive ? », assène Me Bréham en conclusion de ses échanges acerbes. Éric Darques est tout aussi furieux. Pour lui, l’explication tient à d’évidentes raisons politiques et à la force des réseaux qui protègeraient le président Castelain. Une analyse invérifiable mais un constat implacable : dans ce dossier, la lenteur de la justice est à l’évidence coupable.

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