À mi‐mandat, les promesses des écologistes Grégory Doucet et Bruno Bernard passées au crible

En 2020, Mediacités mettait en ligne Radar, un outil inédit et original pour suivre les plus de 170 promesses des candidats élus à la tête de la ville et de la métropole de Lyon. Trois ans plus tard, les majorités écologistes tiennent-elles leurs engagements ?

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Photo : A.Merlet / Montage : N.Barriquand/Mediacités.

Promesse : « Fait de s’engager à faire », définit Le Petit Larousse. En 2020, lors des dernières élections municipales et métropolitaines, tous les candidats à l’hôtel de ville de Lyon (on comptait 8, 9 ou 10 listes sur la ligne de départ, selon les arrondissements) et les prétendants à la présidence de Grand Lyon (entre 8 et 10 listes également au premier tour, selon les circonscriptions) avaient formulé les leurs. De notre côté, à Mediacités, nous avions pris un engagement : celui de contrôler, tout au long du mandat 2020–2026, les promesses électorales des gagnants.

Pour cela, nous avons mis en ligne dès septembre 2020 un espace dédié à ce suivi. Son nom : Radar. Sur Radar, Mediacités a compilé les promesses formulées pendant la campagne électorale par les écologistes Bruno Bernard, élu président de la métropole de Lyon, et Grégory Doucet, élu maire de Lyon, ou leurs équipes. Économie, culture, transports, action sociale, environnement, urbanisme… Pendant l’été 2020, nous avions alors épluché :

1/ Le programme « Maintenant l’écologie pour Lyon », petit livre vert commun à Grégory Doucet et Bruno Bernard, diffusé sur les marchés et autres événements pendant la campagne électorale ;

2/ L’ensemble des professions de foi des têtes de liste écologistes dans les 9 arrondissements de Lyon et l’ensemble de celles des têtes de liste écologistes dans les 14 circonscriptions métropolitaines du Grand Lyon ;

3/ Les engagements pris par les deux candidats verts devant le Pacte pour la transition, coalition d’une cinquantaine d’associations et de collectifs investis pour « une transition écologique, sociale, économique et démocratique » ;

4/ Enfin, des déclarations médiatiques de l’un ou l’autre pendant les semaines qui ont précédé leurs prises de fonction.

Résultat : 174 promesses, organisées par thématiques, collectivité ou par état d’avancement (on y reviendra). Et un outil complètement inédit et original qui répond à un besoin démocratique.

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« Rendre des comptes, pas seulement tous les six ans »

Comme nous l’écrivions en 2020, « nous considérons que les pouvoirs exécutifs des grandes villes ont des comptes à rendre à leurs électeurs, et pas seulement tous les six ans ». Cette redevabilité, pour prendre un mot fréquemment employé par la majorité municipale lyonnaise, est d’autant plus nécessaire dans un contexte de défiance des institutions et d’abstention massive aux scrutins.

Radar répond aussi à un besoin de mémoire. Six ans – un mandat municipal ou métropolitain -, c’est long. Les élus ne sont pas infaillibles et oublient parfois les engagements pris quelques mois ou années auparavant au moment de l’élection (voir cet exemple concret avec la promesse d’une passerelle sur le Rhône entre Confluence et Gerland). Les électeurs aussi. Radar permet de répondre aux débats catégoriques « ils ne respectent pas leurs promesses » versus « ils ont tenu tous leurs engagements ». Comme souvent, la réalité n’est ni toute noire, ni toute blanche, même en terre verte.

47 promesses tenues

À l’heure du mi‐mandat – Bruno Bernard et Grégory Doucet sont respectivement devenus président de Métropole et maire les 2 et 4 juillet 2020 – que dit Radar ? Après avoir remis à jour les annonces, décisions et autres déclarations, promesse par promesse, nous avons considéré que sur les 174 promesses répertoriées, 47 étaient tenues, 70 en partie appliquées, 16 en pause et 20 abandonnées ou non tenues.

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Comment lire ces verdicts ?

« Appliquée » : la promesse est tenue et des éléments factuels (vote d’une délibération, chantier réalisé) en attestent. Exemple : depuis le 1er janvier 2023, la production et la distribution de l’eau potable du Grand Lyon ne sont plus confiées à un délégataire privé (Veolia en l’occurrence), mais à une régie publique, comme les écologistes s’y étaient engagés ;

« En partie appliquée » : la promesse initiale n’est pas atteinte (parfois pour une question de temps, parfois pour une question de montant ou d’ampleur du projet), mais des changements concrets sur le sujet ont été apportés depuis le début du mandat. Exemple : en juin 2020, dans une interview donnée au Progrès, Bruno Bernard s’était engagé à créer une dizaine de lignes de bus. Or le plan des investissements du Sytral, présidé par le même Bruno Bernard, prévoit la création de quatre lignes sur le mandat.

« En pause » : la promesse est au point mort, nous n’avons constaté aucune action ou annonce liée à l’engagement, mais celui‐ci n’est pas officiellement abandonné. Exemple : la création d’une commission extra‐municipale du temps long pour réfléchir aux impacts des décisions publiques sur les générations futures.

« Abandonnée/Non tenue » : la promesse formulée en 2020 n’est ou ne sera pas respectée. Exemple : comme l’a décidé Bruno Bernard, les véhicules diesel ne seront pas interdits de circulation dans la Zone à faibles émissions (dispositif de lutte contre la pollution de l’air) en 2026, comme il s’y était engagé, mais en 2028. Ce verdict ne signifie pas forcément que la majorité élue n’a rien fait sur le sujet. Exemple : plutôt que d’instaurer la gratuité des transports en commun pour les moins de 10 ans, promise pendant la campagne, les écologistes ont préféré baisser à 9,30 euros par mois l’abonnement TCL pour les enfants.

« Invérifiable » : la promesse est formulée de manière floue et/ou bien ne comporte aucun objectif chiffré. Exemple : « Accompagner la montée en puissance du secteur de la santé ». Il peut aussi s’agir de promesses concernant des dossiers qui ne relèvent pas ou pas seulement de la compétence de la ville ou du Grand Lyon. Exemple : « Équilibrer l’offre universitaire et le logement étudiant entre Lyon, Saint‐Etienne et Clermont‐Ferrand ».

« En cours d’évaluation » : Radar étant en perpétuelle remise à jour, ce verdict signifie tout simplement que nous n’avons pas encore traité ces promesses (moins d’une vingtaine sur 174 actuellement). Par ailleurs, certaines promesses dont l’objectif est lié à la fin du mandat resteront, de fait, « en cours d’évaluation » jusqu’en 2026. C’est le cas de l’engagement pris sur le rythme de construction de logements sociaux.

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Aperçu du damier des promesses. Cliquer dessus pour y accéder.

Précisons enfin que ces verdicts ne sont pas définitifs. Des promesses orange « en partie appliquée » passeront vraisemblablement en vert d’ici à 2026. Un rouge « abandonnée » peut changer de couleur. Ce fut le cas par exemple de la promesse « Développer des navettes fluviales » (formulée dans la profession de foi des candidats écologistes de la circonscription Lyon Ouest), enterrée coulée dans un premier temps par Bruno Bernard, avant que le Sytral, en début d’année 2023, adopte une délibération en vue de créer de telles navettes.

Attention aux conclusions hâtives !

Près d’une cinquantaine de promesses tenues et 70 « en partie appliquées » au bout de trois ans : certains trouveront ces statistiques flatteuses, d’autres retiendront surtout la vingtaine de promesses « abandonnées » ou « non tenues ». Attention, dans les deux cas, aux conclusions hâtives !

D’abord, et c’est une limite de notre outil, toutes les promesses ne sont pas d’importance égale : la création d’un « Réseau express vélo » (rebaptisé « Les Voies lyonnaises » depuis 2020) implique par exemple des investissements et un projet autrement plus conséquents que la végétalisation de l’avenue des Frères Lumière, dans le 8e arrondissement. Elles sont aussi parfois de nature très diverses entre, par exemple, la création d’un corridor écologique entre les parcs Blandan et de Gerland, et celle d’un RSA pour les 18–25 ans. Mais ces quatre engagements « valent » chacun une promesse. Ceci dit, nous avons sélectionné huit promesses « phares » (« Encadrer les loyers », « Investir 3 milliards d’euros dans le développement des transports en commun », etc.) qui sont mises en avant sur la page Radar.

Ensuite, la formulation d’une promesse rend celle‐ci plus ou moins facile à évaluer (et à tenir). « Abandonner le projet de barrage sur l’Yzeron » : c’est oui ou c’est non. « Développer des services d’appui aux aidants » : certes, mais combien ? Comment ? Avec quel budget ? Sur cette promesse, l’action de la majorité de Bruno Bernard étant, à quelques milliers d’euros près, dans la parfaite continuité de celle de ses prédécesseurs. Nous avons appliqué le verdict « en pause ».

Par ailleurs, certaines promesses tenues l’étaient… avant 2020. Exemple : « soutenir les associations de lutte contre les discriminations », même si les moyens mis sur la table ont augmenté. D’autres sont « en partie appliquée », ce qui est tout à fait normal puisque nous sommes au milieu du mandat. Ainsi, sur les cinq nouveaux collèges promis d’ici à 2026, trois sont sortis de terre mais les deux autres sont prévus pour les années à venir. D’autres promesses garderont jusqu’à la fin ce verdict, la faute à une ambition trop élevée affichée en période électorale. Les « 450 kilomètres » de Voies lyonnaises écrites noir sur blanc dans le programme des écologistes ne seront jamais réalisés puisque le projet a été dimensionné à 355 kilomètres, dont 250 prévus d’ici à 2026.

Plus qu’une série de chiffres, Radar permet avant tout de ressortir la photo de 2020 – ce sur quoi ont été élus Grégory Doucet et Bruno Bernard – et de jauger leurs actions à cette aune. Rendez‐vous dans trois ans pour le bilan complet.

> Le 3 mai 2023, nous étions invités sur le plateau de BFM Lyon pour présenter Radar. Entretien à revoir sur la vidéo ci‐dessous :

 

Comment naviguer dans Radar ?

À cette page, vous trouverez les 174 promesses recensées (huit promesses « phares » mises en avant puis l’ensemble dans un damier à dérouler). Des menus déroulants (« thématiques » ; « statuts ») vous permettent d’afficher les promesses par catégorie. Vous pouvez aussi les distinguer entre celles qui relèvent des compétences de la Métropole et celles des compétences de la ville de Lyon.

Chaque bloc‐promesse conduit à une page dédiée à la promesse en question sur laquelle vous trouverez un texte plus ou moins long d’analyse, qui éclaire le verdict appliqué. Ces informations étant mises à jour au fil des mois, toutes n’ont pas été écrites ces derniers jours (la date de la mise à jour est précisée en haut de la page ou, parfois, entre crochets sur certaines promesses). Pour nombre de promesses, en « scrollant » leurs pages, vous trouverez des enquêtes et décryptages publiés par Mediacités liés au sujet.

Enfin, Radar étant constamment en évolution, n’hésitez pas à interpeller la rédaction sur d’éventuels oublis ou pour attirer notre attention sur un point, en utilisant les boutons « Vous avez une information à nous partager sur cette promesse ? ».

Bonne exploration !

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Nicolas Barriquand
Margaux Farran et Nicolas Barriquand

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Temps de lecture : 7 minutes

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Par Margaux Farran et Nicolas Barriquand