Pour qu’investigation ne rime pas seulement avec indignation mais aussi avec action… Chaque année, depuis 2020, Mediacités tente d’évaluer les effets de son travail en publiant un rapport sur l’impact de ses enquêtes. Que deviennent‐elles une fois publiées ? Comment lecteurs et lectrices s’en sont‐ils emparé ? Ont‐elles permis d’ouvrir ou de nourrir un débat public ? Ont‐elles contribué à faire émerger une solution aux problèmes posés, à réduire une injustice ?
Car tel que nous le concevons, le rôle social et citoyen d’un journal d’investigation comme Mediacités ne peut se limiter à dénoncer ce qui va mal. Il faut aussi, d’une manière ou d’une autre, que ce travail soit utile. A la bonne information des lecteurs, bien sûr. Mais aussi, plus globalement, à l’évolution de la société en général et de nos villes, en particulier.
Mediacités en chiffres en 2025
- Une équipe de douze permanents à Lille, Lyon, Nantes, Toulouse et Paris, ainsi que plusieurs dizaines de journalistes locaux indépendants travaillant avec la rédaction.
- 685 enquêtes et articles publiés depuis janvier 2025 sur Mediacités
- 3 millions de visites sur Mediacités entre janvier et octobre 2025
- 6262 abonnés à Mediacités et près de 100 000 inscrits aux différentes newsletters
Impossible exhaustivité
Alors, comment mesurer cet impact et les répercussions de nos enquêtes ? La tâche est loin d’être simple, tant ces répercussions peuvent prendre des formes différentes : de la simple reprise de nos informations dans des médias locaux ou nationaux à l’ouverture d’une procédure judiciaire, en passant par leur utilisation lors de séances de conseils municipaux, métropolitains, départementaux, régionaux, voire à l’Assemblée ou au Sénat.
L’exhaustivité semblant difficile à atteindre, nous avons donc choisi de vous proposer une sélection des plus importants impacts identifiés en 2025. Un florilège, en quelque sorte, des articles ayant fait bouger les lignes de manière évidente, initié un débat public ou débouché sur une procédure judiciaire. Nous avons compilé ici les principaux exemples, mais vous trouverez plus de détails ville par ville en consultant les rapports d’impacts élaborés par nos quatre rédactions locales, à Lille, Lyon, Nantes et Toulouse.
L’impact des enquêtes de Mediacités
Comment naviguer dans ce rapport ?
Pour faciliter votre lecture de cette (longue) sélection, nous avons dressé un petit sommaire des différents types d’impacts recensés. Il vous suffit de cliquer sur leur titre pour accéder à la partie concernée :
- Les révélations dont s’est saisie la justice
- Les enquêtes qui ont fait bouger les lignes
- Les enquêtes qui ont initié un débat public
- Les enquêtes dont on regrette qu’elles n’aient pas produit plus d’impact
1. Les révélations dont s’est saisie la justice
Ni juges, ni procureurs, les journalistes de Mediacités ne sont pas là pour rendre la justice. Notre rôle de site d’investigations locales reste de révéler des informations d’intérêt public. Pas plus, pas moins. Pour autant, certaines de nos révélations peuvent susciter l’intérêt de magistrats qui, suite à nos articles, déclenchent des enquêtes. Judiciaires, cette fois‐ci. Et si cette partie‐là n’est plus de notre ressort, elle témoigne en tout cas de l’utilité et du sérieux de nos informations.

TOULOUSE - Affaire Moudenc : enquête judiciaire ouverte
Des mois d’enquête, de vérifications et de recoupements nous ont permis de dévoiler une affaire potentiellement explosive pour le maire de Toulouse. Selon des centaines de documents échangés entre 2019 et 2020 au sein de l’équipe de campagne de Jean‐Luc Moudenc, des membres du cabinet du maire sortant, salariés par la collectivité, ont participé à la campagne du candidat LR. Une douzaine de salariés municipaux auraient ainsi œuvré à la campagne du maire, en semaine et pendant des horaires de bureau. Selon les documents que nous avons pu consulter, Jean‐Luc Moudenc ne pouvait ignorer que ses collaborateurs travaillaient ainsi pour sa candidature. Si elle a eu lieu sur leur temps de travail, une telle mobilisation de ces « petites mains » pourrait contrevenir aux codes pénal et électoral.
👊 Impact
Sur la base des révélations de Mediacités et des documents dont elle dispose, l’association de lutte contre la corruption Anticor a porté plainte, début juin, contre Jean‐Luc Moudenc pour détournement de fonds publics et financement illicite de campagne dans le cadre de l’élection municipale de 2020 du maire de Toulouse. Le maire de Toulouse, son ancien directeur de cabinet, son ancienne directrice adjointe de cabinet et plusieurs adjoints sont visés à des degrés divers. Ils sont toutes et tous présumés innocents à ce stade.
Dans sa plainte adressée au procureur de la République de Toulouse, Anticor explique que Jean‐Luc Moudenc aurait perçu un avantage prohibé et commis l’infraction de financement illicite de campagne. » Trop compliqué à gérer au tribunal de Toulouse où le parquet et la mairie sont souvent en interaction, le dossier a été dépaysé à Auch, où la procureure a ouvert une enquête préliminaire pour détournement de fonds publics et financement illicite de campagne, en août dernier. Jean‐Luc Moudenc, qui a toujours refusé de répondre à nos questions, affirme avoir toujours « respecté les lois de la République. (…) Mon souhait, c’est que l’enquête se fasse, qu’elle avance et me permette de donner mon témoignage », assure‐t‐il.
Articles à (re)lire :
- Une douzaine de salariés de la mairie de Toulouse au cœur de la campagne 2020 de Jean‐Luc Moudenc
- Affaire Moudenc : les preuves de l’implication du maire de Toulouse
- Le parquet d’Auch ouvre une enquête préliminaire sur l’affaire Moudenc
- Affaire Moudenc : Ces proches du maire de Toulouse soupçonnés par la justice de complicité de détournement de fonds publics
LILLE - Affaire Castelain : l’épilogue et la question pendante des frais de représentation
Les lecteurs fidèles de Mediacités connaissent bien les quatre dossiers qui ont valu à Damien Castelain, président de la quatrième métropole française, de se voir condamné en juillet 2024, à un an de prison avec sursis, 20 000 euros d’amende et cinq ans d’inéligibilité pour détournement de fonds publics, abus de confiance et prise illégale d’intérêts. Qu’il s’agisse de la prise en charge par la Métropole européenne de Lille de frais personnels, révélée en 2018 par notre média. Ou des « pierres bleues », ces pavés livrés gratuitement en 2009 par une filiale de l’entreprise constructrice du Grand stade de Lille au domicile du futur patron de la MEL afin de réaliser une terrasse. Dévoilée par La Voix du Nord, cette affaire a été abondamment documentée par Mediacités. Nous avons par ailleurs révélé le financement illégal de ses frais d’avocats par collectivité ou le recrutement litigieux d’une des ses proches comme conseillère en communication.
👊 Impact
Damien Castelain a comparu en appel en septembre dernier mais une grosse bourde de ses avocats lui assure de voir sa condamnation confirmée. Seule le quantum des peines pourrait être modifié. Avec pour principal enjeu la question de son inéligibilité à quatre mois des municipales.
L’affaire des frais qui touche Damien Castelain est emblématique des problèmes posés par la prise en charge publique des frais « de représentation » des élus. Ceux de la maire de Paris, portant sur des montants beaucoup plus élevés, ont fait récemment la une des journaux nationaux. Mais le cas du président de la MEL ne doit pas être minimisé. C’est une question de principe.
En première instance, le tribunal judiciaire de Lille n’a ainsi retenu pour illégal que 548 euros de notes de frais « dont le caractère personnel est manifeste », tout en soulignant la « gravité » des faits « commis par une personne investie d’un mandat électif ». En appel, le procureur de la République a listé quant à lui 10 000 euros de dépenses ne correspondant pas à la définition des frais de représentation. Une définition qui mériterait toutefois d’être précisée.
Le jugement de la Cour d’appel de Douai, le 16 décembre prochain, pourrait à cet égard nourrir la jurisprudence. On attend avec impatience de savoir si des chaussettes peuvent en faire partie…
Articles à (re)lire
- L’affaire des frais de Damien Castelain… et les autres
- Au procès Castelain, la métropole de Lille menacée d’une « décapitation politique
- Procès Castelain : ce que le jugement correctionnel nous apprend
NANTES - Affaire Réné Martin : le père de la Folle journée dans la tourmente
Le 18 octobre 2025 restera une date charnière pour le monde de la musique classique française. Au terme de dix mois d’une enquête conjointe menée avec La Lettre du musicien nous publions alors deux articles consacrés à René Martin, fondateur de La Folle journée et grand ordonnateur de 1 500 concerts en France chaque année. Cette enquête minutieuse se fonde sur 20 témoignages de salariées et ex‐salariées, ainsi que près de 200 documents.
Cette enquête révèle non seulement la porosité entre les dépenses personnelles et professionnelles de René Martin (frais de bouche, hébergements, voyages), au sein du Créa Folles journées, mais aussi le management régnant au sein de l’association. Elle fait notamment état d’accusations de violences sexistes et sexuelles qu’auraient régulièrement subi les collaboratrices du directeur artistique, dont l’exposition répétée à des contenus pornographiques.
👊 Impact
AU lendemain de nos révélations, le bureau du Créa, sous la pression de la Ville de Nantes, commande un audit « sur le climat social et le bien‐être au travail » – mais pas sur la gestion financière. Malgré les pressions qu’a exercé René Martin sur ses équipes, les conclusions de cet audit, mené par un cabinet d’avocats, sont rendues le 20 octobre au Créa et transmises à la Ville de Nantes. Elles s’avèrent particulièrement sévères.
La mairie saisit le procureur de la République le 22 octobre puis annonce la fin de sa collaboration avec René Martin, deux jours plus tard. « Un service d’enquête pénale est chargé d’investiguer sur ces évènements », informe de son côté le parquet de Nantes. René Martin, qui a démissionné du Créa fin octobre, « conteste avec la plus grande fermeté les accusations ». Il reste présumé innocent.
Parallèlement, la parole s’est libérée. Mediacités et La Lettre du musicien ont reçu depuis mi‐octobre huit nouveaux témoignages d’ex-salarié(e)s du pape de la musique classique. Deux de ces nouveaux témoins affirment qu’elles auraient été agressées sexuellement par René Martin. Nos confrères de Ouest‐France ou Presse Océan récoltent aussi les leurs, qui confirment les éléments de nos premières publications.
Articles à (re)lire
- René Martin : les fausses notes financières du pape de la Folle Journée de Nantes
- René Martin : un management entre aura, humiliations et hypersexualisation
- Ces nouveaux témoignages de violences sexuelles qui visent René Martin
- René Martin démissionne du Créa Folles journées

LYON - Les Bahadourian rattrapés par un redressement fiscal
Dans une série d’enquêtes publiées en 2020, Mediacités documentait la manière dont les frères Léo et Patrick Bahadourian, résidents suisses et héritiers d’une dynastie d’épiciers lyonnais, géraient leur patrimoine depuis des destinations à la fiscalité légère, notamment le Luxembourg. Nous révélions notamment qu’ils détenaient une Ferrari de course via une société du Grand‐Duché. Un choix délibéré pour plus de simplicité administrative et par souci d’anonymat, assurait alors leur avocat, selon lequel la manœuvre n’avait pas de justification fiscale. La suite démontre que les autorités du Luxembourg ne partageaient pas vraiment son avis…
👊 Impact
La suite de l’histoire justement a été révélée par le site d’investigation luxembourgeois Reporter l’été dernier. Parfois, l’impact de nos enquêtes ne peut donc être mesuré qu’avec cinq ans de recul ! Selon nos confrères, la société LGF Racing des frères Bahadourian a été discrètement condamnée en octobre 2024 pour fraude à la TVA par la justice luxembourgeoise.
Alerté par nos articles, le fisc local s’était intéressé aux Bahadourian. Résultat : les dirigeants de leur société ont dû rembourser près de 700 000 euros au Trésor public luxembouregois et payer une amende de 105 000 euros en sus. L’administration a aussi signalé les faits à la justice, qui a finalement conclu un deal avec Léo Bahadourian et les autres administrateurs de la société, qui ont dû s’acquitter d’une amende de 35 000 euros.
Ce n’est pas la première fois qu’une investigation de Mediacités s’avère rentable pour les contribuables. En 2020 le groupe lyonnais d’assurance April avait dû payer plus de 41 millions d’euros de redressement fiscal lié à l’activité d’une de ses filiales implantés à Malte. L’acrobatie financière avait été révélée par notre journal trois ans plus tôt. À 69 euros l’abonnement annuel à Mediacités, le taux de rendement est imbattable !
Articles à (re)lire :
- Yacht, Ferrari, champagne… la fortune des Bahadourian cachée dans les paradis fiscaux
- La fortune des Bahadourian estimée autour d’1 milliard d’euros… au minimum
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LILLE – Le maire de Valenciennes convoqué devant le tribunal
Une ancienne intime de Laurent Degallaix, maire (Horizons) de Valenciennes et président de Valenciennes Métropole l’accuse d’avoir, en 2017, favorisé son embauche comme hôtesse d’accueil à la Société publique locale de stationnement de la ville… puis d’avoir fait pression sur l’un de ses anciens collègues pour que ce dernier la pousse à abandonner toute action en justice. Au printemps 2023, Mediacités révélait ces faits, à l’appui de deux plaintes, la première pour « trafic d’influence », la seconde pour subornation de témoins. Ces accusations sont étayées par des enregistrements clandestins.
👊 Impact
Ces deux plaintes valent à Laurent Degallaix de comparaître le 19 février 2026 devant le tribunal judiciaire de Lille. Il reste présumé innocent. À moins de deux mois de l’élection municipale, celui qui est maire de Valenciennes depuis 2012 devra répondre de « complicité de prise illégale d’intérêts » et « subornation de témoin ». Il encourt une peine de 5 ans de prison et 500 000 euros d’amende. Une peine complémentaire d’inéligibilité, si elle était prononcée avec exécution immédiate, pourrait également l’empêcher d’être candidat. En 2019, le maire de Valenciennes a déjà plaidé coupable dans le dossier de la vente de V2H, l’office HLM municipal, à une filiale de la Caisse d’épargne… alors qu’il était encore salarié de la banque. Une affaire, là encore révélée par Mediacités.
2. Les enquêtes qui ont fait bouger les lignes dans nos villes
Lorsqu’elles mettent en lumière des comportements illégaux, des situations illégitimes ou dangereuses, nos enquêtes peuvent contribuer concrètement à transformer les choses. Un changement parfois salutaire pour les personnes concernées ou pour la collectivité. Petit florilège de ces articles qui ont changé nos villes en 2025.

LYON - « LGBTphobie structurelle » : le rectorat reconnaît enfin la paternité d’un instituteur
En septembre dernier, au moment de la rentrée des classes, nous vous avons raconté l’histoire de cet instituteur, enseignant dans le 8e arrondissement de Lyon, et père d’un enfant de deux ans, à qui le rectorat de Lyon refusait de reconnaître sa paternité. En couple avec un autre homme, il avait eu recours à une GPA (Gestation pour autrui) au Canada. Très vite après la naissance, l’État français l’a officiellement reconnu comme parent de son enfant mais pas l’Education nationale, qui le privait ainsi de droits associés : supplément de salaire, congés « enfant malade », possibilité d’obtenir un temps partiel. Le syndicat Sud‐Education Rhône, qui l’a accompagné dans ses démarches auprès du rectorat, dénonçait alors une « LGBTphobie structurelle ».
👊 Impact
Deux semaines très précisément après notre publication, le rectorat procède à une actualisation du dossier administratif de François. Et, comme par magie, son employeur le reconnaît enfin comme père. « Soulagé », le professeur des écoles ne peut toutefois s’empêcher de se demander pourquoi, malgré deux ans de démarches, il a fallu attendre une médiatisation de son cas pour que sa situation se débloque…
Articles à (re)lire :
- « Homophobie institutionnalisée » : le rectorat de Lyon refuse de reconnaître la paternité d’un prof en couple avec un homme
- Homophobie : le rectorat de Lyon reconnaît enfin la paternité du prof en couple avec un homme
LILLE - Vidéosurveillance algorithmique : la ville de Lille rappelée à l’ordre par la Cnil
ll y a presque un an, Mediacités révélait que la police municipale de Lille avait recours depuis 2021 au logiciel d’analyse d’images Briefcam pour ses caméras de vidéosurveillance. Potentiellement capable de faire de la reconnaissance faciale, ce qui est interdit, ce logiciel dopé à l’intelligence artificielle est soumis à des obligations de déclaration auprès de la Commission nationale informatique et libertés (Cnil) précisant les usages qui peuvent en être faits. Or, comme nous le révélions, ni la Cnil au niveau national, ni l’instance locale concernée – le comité municipal d’éthique pour la vidéoprotection, autrement dit des élus -, n’avaient reçu la moindre information, contrairement à ce que prévoit la loi.
👊 Impact
Suite à une plainte des élus d’opposition du groupe Lille Verte auprès de la Cnil, celle‐ci a confirmé en mars dernier, comme l’a également dévoilé Mediacités, que « le logiciel BriefCam a été mis en œuvre entre novembre 2022 et janvier 2025 sans qu’une analyse d’impact préalable n’ait été menée quant à ce traitement ». L’instance indique donc avoir « rappelé à la commune de Lille ses obligations » en la matière, « conformément aux dispositions de la loi du Règlement général sur la protection des données (RGPD) ». La Ville n’a en fait pas attendu de se faire taper sur les doigts pour se mettre en conformité avec la loi. La Cnil nous apprend en effet qu’elle a intégré le logiciel Briefcam dans une mise à jour de « l’analyse d’impact relative à la protection des données » qu’elle lui a transmise en janvier 2025 . Une possibilité que nous avions nous‐mêmes suggérée dans notre article de décembre…
Articles à (re)lire
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NANTES - Violences sexuelles et sexistes dans les bars et restaurants nantais
Nantes compte 1 875 restaurants et débits de boissons (chiffres de l’Uimh de Loire‐Atlantique). Un monde des cuisines et des comptoirs qui n’échappe pas, comme partout ailleurs en France, aux violences sexistes et sexuelles sur fond de cadences de travail effrénées et de consommation quotidienne d’alcool ou de drogues.
À Nantes, il aura fallu neuf mois à Mediacités pour réunir 34 témoignages de salarié(e)s et d’acteurs du secteur. Notre enquête s’est focalisée sur des faits d’agressions sexuelles qui auraient été commises dans certains d’entre eux : deux pizzerias et deux bars du Bouffay ou des bords de l’Erdre ainsi que le restaurant du Lieu unique (géré par une entreprise distincte). Il s’agit du troisième volet de notre série sur la restauration nantaise qui s’est aussi intéressée aux principaux propriétaires et à leur tambouille économique.
👊 Impact
« La direction du Lieu unique s’est entretenue avec la direction du bar‐restaurant. Une enquête interne sera menée dans les meilleurs délais pour établir les faits », a réagi la direction du Lieu unique, alertée par notre enquête. Cet audit est toujours en cours à l’heure nous écrivons ces lignes. Pour les autres lieux, les personnes mises en cause ne sont plus en fonction ou ont été écartées il y a plusieurs mois. Dans d’autres établissements (dont nous tairons le nom pour l’heure), des employé(e)s effectuent des signalements internes ou nous contactent à leur tour pour témoigner.
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TOULOUSE - Fermeture d’une école intégriste dans le Gers
Officiellement dissous, le mouvement d’extrême droite Civitas bouge encore. Depuis 2017, une vingtaine d’enfants étaient formés à la contre‐révolution catholique et à la sécession dans l’école Notre‐Dame Divine Bergère. Située à Aurenque, un hameau rattaché au village gersois de Castelnau d’Arbieu, l’école hors‐contrat était gérée par la « Communauté des Capucins de Morgon de stricte observance ». Gilles Debot, le directeur de l’école, s’est par exemple illustré lors d’une réunion de Civitas, en 2021, où il évoquait le « programme des mondialistes avec la dépopulation et des zombies partout ( sic) » et stigmatisait « la déshumanisation de l’ensemble du système mondialisé, car il est antichrétien ».
Des dérives intégristes que les autorités laissaient curieusement prospérer. À l’issue de plusieurs contrôles, l’Inspection académique du Gers et le Rectorat de Toulouse avaient exigé des « améliorations » et affiché leur « préoccupation » face à ce lieu d’enseignement « pas comme les autres », sans pour autant mettre la structure à l’amende.
👊 Impact
La publication de notre enquête et d’un court article du Canard Enchainé a secoué le cocotier gersois. Une nouvelle inspection académique a été diligentée, le 7 mars 2025, par le rectorat de Toulouse. Sur place, les inspecteurs dépêchés ont été « effarés » par « ce qu’ils ont découvert lors de leur contrôle », selon nos sources.
C’est cependant sur des défaillances de forme (non‐respect des normes de sécurité, qualifications approximatives des intervenants pédagogiques…) et non leurs errements idéologiques, que le préfet du Gers, Alain Castanier, a ordonné la fermeture administrative de l’établissement, le 19 mars. Un représentant du Rectorat rappelait néanmoins à Mediacités – non sans humour – que même « Al Capone est tombé pour fraude fiscale, alors que là n’était pas son crime le plus grave ».
Prévue initialement pour trois mois, la fermeture temporaire pouvait devenir pérenne et se traduire par une « non‐réouverture de la structure » à la rentrée de septembre si les Frères d’Aurenque restaient sourds aux sermons de l’administration. Résultat, il n’y a pas eu de rentrée des classes en septembre.
Articles à (re)lire
- L’ombre de Civitas plane sur une école du Gers
- Le préfet du Gers prononce la fermeture administrative d’une école catholique intégriste

LYON – Pollution à Saint‐Fons : sous pression d’élus, l’État recadre Kem One
En 2025, Mediacités a poursuivi sa plongée au cœur de la vallée de la chimie et de ses pollutions. En juin dernier, nous avons ainsi révélé que l’usine de Saint‐Fons du groupe Kem One, l’un des plus gros producteur européen de plastique PVC, avait rejeté dans l’air près de 500 tonnes de chlorure de vinyle (CVM) au cours des vingt‐et‐une dernières années. Cette substance est considérée comme cancérigène pour l’humain, notamment en raison de ses effets sur le foie. Une étude de 2017 estimait que le risque sanitaire était « significatif » pour les riverains de l’usine exposés – une école primaire est installée à 150 mètres du site – alors que nombre d’anciens salariés ont succombé à des cancers.
👊 Impact
La mairie de Saint‐Fons a indiqué avoir découvert l’existence du problème à la faveur de notre enquête et a interpellé les services de l’État. Les semaines suivantes, deux députés de l’agglomération s’emparent à leur tour du sujet. En octobre, après plusieurs semaines de discussions avec l’industriel, la préfecture du Rhône a finalement pris un nouvel arrêté pour renforcer l’encadrement des émissions de CVM par Kem One. Principale disposition, le document prévoit une baisse de quatre tonnes par an des rejets de ce polluant, à compter de 2027.
Nos révélations sur cette pollution au CVM ont permis de rendre public ce nouveau scandale environnemental, dont d’autres médias (France 3, Le Progrès) se sont ensuite fait l’écho. Et de forcer l’industriel à s’expliquer. La direction de Kem One assure qu’elle « respecte la réglementation actuellement en vigueur » et revendique avoir investi 1,3 million d’euros pour réduire ses émissions de près de 50 % depuis 2016. Reste que la gestion du dossier par l’État fait aussi l’objet de critiques de la part du vice‐président de la Métropole chargé de l’Environnement Pierre Athanaze. « On n’a pas su gérer Kem One avec les précédents arrêtés, alors on en prend de nouveaux. On fixe des limites, mais il faudrait les faire respecter », regrettait‐il dans le Progrès.
Articles à (re)lire :
- Scandale Kem One : au sud de Lyon, un industriel rejette des tonnes de gaz cancérigène
- Vallée de la chimie : deux députés interpellent le gouvernement après une enquête de Mediacités
- Rejets industriels de gaz cancérigène à Saint‐Fons : la préfecture réduit (un peu) la voilure
3. Les articles qui ont initié un débat public
Parmi les centaines d’articles publiés par Mediacités chaque année, il y a aussi ceux qui, sans forcément produire de conséquences immédiates, nourrissent le débat public et les conversations. Dans nos métropoles mais parfois aussi à l’échelle nationale, quand elles sont reprises par nos confrères. Quelques exemples de ces enquêtes qui ont agité le bocal en 2025.

RADAR - Les promesses de nos élus passées au crible
Un travail de fourmi… Depuis le mois de septembre 2020, Mediacités a mis en ligne Radar, un outil qui recense les promesses de campagne émises par les élus des villes et des métropoles de Lille, Lyon, Nantes et Toulouse durant les dernières élections municipales. Qui les recense mais qui surtout vérifie qu’elles soient respectées. « Tenu », « mis en pause » ou simplement « abandonné », chacun de ces engagements est pointé et évalué par les journalistes de Mediacités. En accès libre, cet outil de transparence et d’évaluation des politiques publiques permet à chaque citoyen de se faire sa propre idée du bilan des équipes en place et éventuellement de réclamer des comptes.
👊 Impact
Le vieil adage qui veut que « les promesses de campagne n’engagent que ceux qui les écoutent » a peut‐être vécu. Grâce à Radar, les citoyens peuvent désormais se remémorer dès qu’ils le souhaitent les engagements de leurs élus, qui avaient trop souvent tendance à disparaître dans les limbes de la politique. Et savoir où ils en sont. Utile alors que se profilent les prochaines élections municipales.
A (re)consulter :

Les Charognards - Un livre et un débat à mener
L’histoire commence en décembre 2023, avec la parution dans Mediacités d’une première série d’enquêtes menée par Brianne Huguerre‐Cousin et Matthieu Slisse et consacrée au business des pompes funèbres. Un secteur auquel nous serons tous confrontés à un moment ou à un autre, mais dont le fonctionnement reste pourtant largement inconnu des Français.
👊 Impact
L’histoire se poursuit le 17 octobre dernier, avec la parution aux éditions du Seuil des Charognards. Pendant plus d’un an, les deux journalistes ont poursuivi leur minutieux travail d’investigation, recueillant une centaine de témoignages et exhumant des documents que les géants de l’industrie du funéraire auraient préféré garder enfouis. Le résultat : un livre enquête qui dévoile les pratiques scandaleuses des deux leaders du marché et raconte comment la mort est devenue « un marché comme un autre », au détriment des familles endeuillées. Reçu depuis dans tous les médias nationaux et locaux, Brianne Huguerre‐Cousin et Matthieu Slisse ont ouvert un débat public important. Qui agite le secteur et conduit élus et collectivités à repenser la manière dont, après les crèches et les Ehpad, ils ont laissé un autre service public succomber à la quête effrénée du profit.
Articles à (re)lire :
- Les Charognards : le livre‐enquête qui dissèque le business de la mort
- Les Charognards : les méthodes scandaleuses du numéro 1 du funéraire pour gonfler le prix des obsèques
- Dossier : Les défunts justifient les moyens

LYON - Les millions d’« Air Wauquiez »
Quand l’argent public fait planer quelques initiés… En mai, Medicacités révèle que le conseil régional a plus que doublé sa subvention à l’aéroport du Puy‐en‐Velay, fief d’un certain Laurent Wauquiez, pour la ligne qui le relie à Orly, en la passant à 1 million d’euros en 2025. Une débauche de financement, pour une liaison très peu fréquentée : 5 passagers par vol, en moyenne, souvent les mêmes !
👊 Impact
Reprises dans la presse nationale, nos révélations n’ont semble‐t‐il pas ébranlé la foi de la Région dans la nécessité d’une ligne Le Puy‐Paris. En octobre, la collectivité a même accordé une rallonge de 204 000 euros à la liaison commerciale, exploitée par la compagnie Twin Jet. Raison invoquée dans la délibération : « Le déficit de la ligne aérienne est plus important que prévu », avec un taux de fréquentation de seulement 40 % les premiers mois de 2025 « au lieu des 56 % prévus ». Voilà pour le non impact…
En revanche, notre enquête n’est pas passée inaperçue auprès d’habitants de Haute‐Loire qui se sont mobilisés lors de la journée « Bloquons tout » du 10 septembre dernier. Certains d’entre eux venus manifester à l’aéroport du Puy‐en‐Velay avaient imprimé notre article sur des tracts pour le distribuer aux passagers du vol pour Orly. L’argent s’envole, les écrits restent.
Articles à (re)lire :
- Le Puy‐Paris : la ligne aérienne du fief de Laurent Wauquiez sauvée avec l’argent de la Région
- Nouveau chèque de la région Auvergne‐Rhône‐Alpes pour la ligne aérienne du fief de Laurent Wauquiez
LILLE - Les non‐dits du Canal Seine‐Nord Europe
Mediacités s’est intéressé de plus près au « chantier du siècle », le Canal Seine‐Nord Europe, dont les travaux ont débuté entre Compiègne et Cambrai et qui a pour but de désengorger l’autoroute A1. Problème : alors que le gabarit de ce nouveau tronçon est prévu pour des bateaux de 185 mètres de long transportant trois étages de conteneurs, il s’insère dans un réseau plus large – le réseau Seine‐Escaut – dont les ponts trop bas et écluses trop courtes ne permettent pas de faire passer ce type d’embarcation…
Un constat qui contrarie grandement les objectifs de report modal mis en avant par ce projet. Or, aucune enveloppe n’est prévue pour l’instant pour réaménager ces infrastructures. Ces travaux pourraient faire varier la facture du simple au double. Le coût global du Canal Seine‐Nord reste aujourd’hui opaque. En cours de réévaluation depuis la pandémie, aucun chiffrage actualisé n’a été rendu public quant à la révision à la hausse des 5,1 milliards d’euros prévus, suite à l’inflation du coût des matières premières découlant du retard du chantier.
👊 Impact
Après la publication de cet article, le directeur « Partenariats et territoires » de la Société du Canal Seine‐Nord, Pierre‐Yves Biet, a immédiatement sollicité un entretien avec Mediacités, regrettant ne pas avoir eu de « contact oral direct en amont, si ce n’est qu’un court échange de mail ». Mediacités avait pourtant pris attache avec le service communication de la SCSNE six semaines avant la parution de cet article, et l’avait relancé à plusieurs reprises pour demander une interview à ce sujet.
Au cours de l’entretien d’une heure auquel a participé notre journaliste, Pierre‐Yves Biet s’est montré personnellement atteint par l’impact de cet article auprès des lecteurs, alors qu’il défend ce projet au quotidien. Dans son compte‐rendu écrit reprenant l’essentiel des échanges, la SCSNE confirme néanmoins qu’il y a « effectivement 168 ponts inférieurs à 7 mètres de haut. La hauteur des ponts autorisera le transport de conteneurs sur deux couches (…) soit [l’équivalent de] 48 camions ». Elle renvoie le relèvement des ponts à plus tard, en « conséquence potentielle du succès du projet ». Sur son site, la SCSNE continue néanmoins de promouvoir le fait que le canal pourra accueillir des péniches transportant l’équivalent de 220 camions pour soulager le réseau routier, avec des visuels représentant trois couches de conteneurs.
Articles à (re)lire :
- Ponts trop bas et coûts cachés : les non‐dits du canal Seine‐Nord Europe
- Canal Seine Nord : inquiétudes sur le partage de l’eau
Scandale des eaux minérales : des révélations de Mediacités au rapport d’enquête du Sénat
En mai dernier, le scandale des eaux minérales revient à la Une de l’actualité nationale, à la faveur de la publication d’un rapport sénatorial. Les parlementaires épinglent sévèrement les méthodes des industriels du secteur, dont les géants Nestlé (Perrier) et Alma. Pour les lecteurs de Mediacités, le nom de ce dernier groupe, qui commercialise Cristaline, St‐Yorre ou Vichy Célestins, n’est pas inconnu. Dès novembre 2022, nous avions dévoilé que ce producteur, qui exploite des usines dans l’Allier et le Puy‐de‐Dôme, était dans le collimateur de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) pour l’utilisation d’une substance interdite dans le traitement de ses eaux. Des révélations qui ont alimenté une enquête plus vaste du journal Le Monde et de la cellule investigation de Radio France avant que des sénateurs ne s’en emparent.
4. Les enquêtes dont on regrette qu’elles n’aient pas produit plus d’impact
Le journalisme est – très – souvent une école d’humilité. On peut passer parfois des jours et des semaines sur un article, y investir son temps et son énergie, sans réussir à produire aucun changement. Cela signifie‐t‐il qu’il ne fallait pas s’intéresser au sujet ? Évidemment non.

LILLE - Noréade : les dessous peu reluisants de la première régie publique de l’eau
Mediacités a fait écho, dans une série d’articles, aux nombreux dysfonctionnements internes à la première régie publique de l’eau de France, Noréade, qui s’étend sur trois départements de la région Hauts‐de‐France. Alors que les usagers paient des factures toujours plus élevées pour une qualité des infrastructures et de l’eau qui laisse à désirer, la Chambre régionale des comptes a mis au jour un système opaque qui a permis à deux anciens directeurs généraux de toucher pendant de nombreuses années des rémunérations dépassant les 14 000 euros mensuels. De leur côté, les employés dénoncent un système de recrutement par piston et un management engendrant une grande souffrance au travail, tandis que les élus locaux censés contrôler les agissements du syndicat se font très discrets.
👊 Impact
A ce jour, ni la direction de Noréade, ni les élus des 740 communes adhérentes n’ont réagi publiquement à cette série d’articles. Mediacités restera attentif aux débats éventuels suscités lors de la campagne des municipales, qui seront également l’occasion de renouveler la gouvernance du syndicat intercommunal. De nombreux employés de Noréade se sont en revanche reconnus dans les témoignages recueillis et ont cherché à contacter Mediacités pour raconter leur histoire.
Articles à (re)lire :
- Prix élevés, fuites et eau non conforme : Noréade, première régie publique de l’eau, ne fait pas rêver ses usagers
- Derrière le salaire faramineux des ex‐directeurs de Noréade, une gestion opaque et un président omnipotent
- Entre recrutements par piston et souffrance au travail, la gestion du personnel chez Noréade fait le grand écart
Aide sociale à l’enfance
Ce n’est pas un sujet que Mediacités a découvert cette année. Depuis sa création en 2016, notre journal a enquêté à maintes reprises sur la grande misère de la protection de l’enfance, son manque de moyens et ses dérives. Nous avons poursuivi ce travail ces derniers mois, en pointant les nouvelles fermetures de place en Haute‐Garonne ou en dressant un portrait effarant de la situation en Loire‐Atlantique : centres d’urgence surchargés, foyers saturés, familles d’accueil trop rares, manque de travailleurs sociaux… Lors de notre enquête, un millier d’enfants carencés ou violentés étaient en attente de suivi malgré une décision du juge. 900 signalements étaient en attente d’évaluation. Un véritable scandale qu’un rapport de la Chambre régionale des Pays de la Loire confirmait quelques mois plus tard.
Si la situation est terrible près de Nantes, elle l’est tout autant dans les autres départements couverts par Mediacités. Et malgré nos enquêtes à répétition, elle ne semble pas devoir connaître d’amélioration dans les mois ou les années qui viennent, sauf mobilisation – imprévue, donc improbable – de pouvoirs publics jusqu’ici impuissants ou indifférents.
Lire aussi nos rapport d’impacts à Lille, Lyon, Nantes et Toulouse
- L’impact des enquêtes de Mediacités à Toulouse en 2025
- L’impact des enquêtes de Mediacités à Lyon en 2025
- L’impact des enquêtes de Mediacités à Nantes en 2025
- L’impact des enquêtes de Mediacités à Lille en 2025
- et tous nos rapports d’impact des années précédentes

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